Défilé du Mardi Gras à Fort-de-France, en Martinique. Les “hommes d'argile" sont des potiers de Trois Îlets.
© Philippe Giraud - Iconvalley
« juillet 2007 | Accueil | septembre 2007 »
Défilé du Mardi Gras à Fort-de-France, en Martinique. Les “hommes d'argile" sont des potiers de Trois Îlets.
© Philippe Giraud - Iconvalley
Rédigé à 17:31 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Je me suis trimballé une bonne partie de l'été 2007 avec la biographie de Robert Desnos, écrite par Anne Egger, un pavé édité par Fayard, qui a pesé son poids de plomb dans mon sac à dos. Ça se lit bien, mais vous ne remportez pas un franc succès quand vous le sortez en public.
Quand on lit un livre pareil en vacances, on le commence après le petit déjeuner, on le poursuit sur la plage, on en lit un dernier petit bout avant de s'effondrer le soir. Tout ça donne un côté décousu qui supporte mal les démonstrations appuyées et la logique étalée sur trois chapitres. Je ne critique pas, j'explique. Et pourtant, je suis allé jusqu'au bout, fanatisé. Car le personnage est extraordinaire. Farouchement indépendant, compagnon de route des surréalistes, opposé à la lente dérive autocratique imposée par André Breton, adepte de l'écriture automatique, rêveur invétéré...
Il a admiré dans sa jeunesse les romans populaires (Fantomas) et les films de Chaplin. Mais aussi et surtout, c'est un intransigeant : on ne compte plus le nombre de fois où il fait le coup de poing contre qui lui déplait, les scandales aux premières, les invectives dans la presse... Et un anticonformisme savoureux. Dans une de ses chroniques, en 1941, il raconte un repas au restaurant, où il s'amuse à commander du vin rouge avec des huîtres : «Je savourais à la fois mes huîtres, le mépris du garçon, la réprobation de mes voisins, la joie d'agir suivant mon goût et le rare plaisir de passer pour un ignorant auprès des ignorants eux-mêmes et des timorés». Et il conclut : «En toute chose, ne soyez pas gastronome, mais ayez le courage de votre gourmandise».
Poète prolifique, il devient journaliste -les vers, quoiqu'on dise, ça ne se mange pas en salade- dans les années 30 à Radio Paris, au Poste Parisien et à Radio Luxembourg. Il invente la publicité radiophonique et des slogans (plus de 3 000 !) qui rencontrent un succès phénoménal. Un jeune auteur s'étonnera un jour de ses collaborations à la radio, lui le littérateur : il le remettra sèchement à sa place : « On ne fait pas de la meilleure poésie parce qu'on crève de faim ». Pourtant, cela ne lui permettra de subvenir à ses moyens qu'à l'aube de ses 40 ans, après avoir dépensé entre temps sans compter pour entretenir les deux grands amours qui ont compté dans sa vie, Yvonne George, artiste de cabaret, puis Youki, femme du peintre Foujita. Lesquelles avaient en commun un penchant effréné pour les fêtes parisiennes, les paradis artificiels, l'alcool et les aventures amoureuses. Desnos rouspète, fait la leçon mais passe l'éponge, paie toujours, refait ses comptes et retourne proposer ses projets aux éditeurs.
Il s'éprend de Cuba, s'intéresse aux musiques du monde entier, défend les causes perdues, hurle contre les loups. La guerre le trouve avec sa capacité d'indignation intacte : il ne se cache pas pour dire ce qu'il pense de l'occupant, gifle le journaliste collaborateur de Je suis partout (Desnos l'a rebaptisé "Je chie partout") André Laubreaux. Puis il entre peu à peu dans la résistance active, dans le réseau Agir.
Dans la ligne de mire des collabos, il est dénoncé et arrêté. Il refuse d'échapper à son arrestation pour protéger sa compagne et un jeune garçon qu'il cache dans son appartement. Mis au secret à Fresnes, il est battu, puis entame le long chemin de la déportation. Il séjourne quelque temps à Royallieu, près de Compiègne, où, ironie du sort, il passait une grande partie de ses week-end avec Youki. Laubreaux, aussi teigneux que lâche, et dont la joue lui cuit encore, insiste en sous-main pour qu'il soit fusillé. Le 27 avril 1944, il a le temps de saluer de loin sa compagne qui l'a enfin retrouvé, et grimpe à coup de crosses dans le dos dans le train Nacht und Nubel qui rejoint Auschwitz en trois jours, sans boire ni manger.
Desnos marque ses compagnons d'infortune : son allant, sa ressource, son optimiste, sa hauteur morale en sauvent plus d'un. Ainsi, à Auschwitz, alors que les nouveaux arrivants affamés, tatoués, transis, battus, se laissent aller au désespoir, il organise des séances d'interprétation des rêves et de lecture de l'avenir dans les lignes de la main. Scènes pleines d'émotion qui marqueront à jamais les mémoires. Lui, l'intellectuel, annonce toujours "homme de lettres" quand un garde lui demande son métier. A Auschwitz, on “recrute” des fraiseurs ou des menuisiers. Les écrivains sont juste bons pour la pendaison en musique : il y échappe de peu. Il est d'un incurable optimiste, martèle que les Nazis perdront, et en attendant, accueille chaque nouveau “déplacement” avec curiosité « La guerre va bientôt se terminer. Je préfère voir encore un petit peu de pays, faire un petit tour en Allemagne », répond-il à un de ses compagnons qui lui propose d'éviter Buchenwald, grâce au canal de résistance interne au camp.
Le voilà donc à Buchenwald, puis Flossenburg. Les Alliés arrivent, la défaite de l'Axe se profile. Le 2 juin 1944, Desnos est au camp de Floha. Il survit au travail exténuant, aux brimades, à un terrible passage à tabac (il a envoyé un bol de soupe chaude à la tête du favori d'un Kapo qui l'avait giflé). Les informations filtrent : les Alliés débarquent en Provence, Paris est libéré le 24 août. Mais ils mettront encore bien du temps à réduire les Nazis.
Le 14 avril 1945, Desnos quitte Floha pour une terrible marche de la mort, résiste tant bien que mal, devient le souffre-douleur de ses codétenus russes («Protégez-moi des Russes, les Allemands, je m'en charge»)... Puis les gardes disparaissent. Les survivants, dont Desnos, sont recueillis par la Croix-Rouge à Terezin (ci-dessous, la dernière photo de Desnos vivant). Il goûte à une liberté chèrement gagnée. A Paris, ses amis le croient sauvé. Mais il est faible, fébrile, dysentrique, atteint du typhus.
Le 4 juin 1945, il est reconnu par deux médecins tchèques, Joseph Stuna et Alena Tesarova. L'un deux, en consultant une liste, se souvient de Desnos dont il a lu les poèmes traduits dans une revue praguoise. « Oui, oui, Robert Desnos, poète français, c'est moi ! » souffle-t-il. Il va mieux un temps, son moral est intact, mais sa maladie est mortelle, impossible à soigner, en tout cas, dans les conditions de Terezin à l'époque. « Le 8 juin, ses grands yeux se ferment. », conclut Anne Egger. Il est aussitôt incinéré avec pour seul viatique une petite rose poussée derrière les barbelés du camp.
Pourquoi je vous raconte tout cela, au fait ? Ah oui, les contes pour enfants. C'est à peu près la seule chose qui reste de Desnos. Et seuls nos bambins ânonnent aujourd'hui ces reliques poétiques. L'auteur de la biographie développe une théorie interprétative stupéfiante à ce propos. Les Chantefables et Chantefleurs seraient, selon elle, des fables dont les clés sont puisées dans l'argot et le vocabulaire courant de l'époque : les hirondelles et les tamanoirs sont des policiers, les sardines sont des galons de sous-officiers, les hippocampes des insoumis, les papillons des tracts, les cabanes des prisons, les coucous des avions, les escargots des "SS Cargo".
Quant à la fourmi 18 mètres, rappelez-vous, avec son chapeau sur la tête, traînant un char, plein de pingouins et de canards, parlant français, latin et javanais : ça n'existe pas, dites-vous ? Ça ne vous dit rien ? Et les wagons de marchandises emportant les wagons de déportés de toutes les nations, ils n'existaient pas non plus, eux ? Je ne sais pas si sa théorie est vraie, mais même tirée par les cheveux, cette interprétation vous met pour longtemps une grosse boule dans la gorge.
Rédigé à 20:07 dans Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Bientôt -ou déjà- la rentrée. Il nous reste donc quatre mois pour réussir l'année. L'entrepreneur voit sa vie professionnelle rythmée par les jalons trompeurs des saisons. Trompeurs, car quel rapport entre votre activité et le printemps, l'été, l'automne, l'hiver ? Avec la rentrée scolaire ? Avec Pâques, Noël, que sais-je encore ? La demande varie selon un mécanisme qu'il faut un peu de temps pour apprivoiser. Certains s'en accommodent : les clients, les missions se succèdent sans qu'on sache vraiment pourquoi. Beaucoup me disent « Je ne sais pas ce que je vais faire dans un mois : mon agenda se remplit semaine après semaine ». Vous êtes dans ce cas-là ? Bravo, vous êtes mûrs pour le pilotage pyramidal. Ou comment bien piloter son portefeuille de clients pour bien vendre du conseil. Voyons un peu en quoi cela consiste.
Lire la suite "Vendre du conseil (2) : mieux piloter son activité" »
Rédigé à 00:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)