Gala, Closer, Voici, Match… Ma consommation de ce genre d’hebdomadaires est quasi-nulle tout au long de l’année. Mais elle subit une forte augmentation en période de voyage. C’est en effet le moment où les familles et les amis font des razzias de ce genre de magazines dans les boutiques des gares ou des aéroports. Au final, ayant épuisé mon Fluide Glacial, je me jette dessus d'un œil concupiscent. On tombe sur des trucs marrants, distrayants, et aussi sur des sujets pénibles. Trois exemples en une revue de presse.
Commençons par Voici. Laurence Ferrari batifole dans l’eau à l’île Maurice, Claire Chazal se détend à Courchevel. C’est assez drôlement écrit et illustré. Promenade avec Arthur et sa nouvelle nana à Los Angeles, sur la page de gauche, et focus page de droite sur Estelle (son ex) qui se balade seule à Paris. Vous voyez ce que je veux dire… Non, en fait, ça n'a aucun intérêt. Un reportage sur les femmes battues. Déjà vu : à ma droite, Lio, Valérie Damdot, Diam’s, dans le rôle des encaisseuses. A ma gauche, Joey Starr, Thomas Langmann, Mickey Rourke, les cogneurs, à ce qu’on dit. Il y a aussi les marronniers, comme la beauté en politique, avec les nièmes tartines sur Rachida Dati et Rama Yade. On retrouve Mickey Rourke en illustration des mots croisés, preuve que son dernier film, “Wrestler” est bien marketé, à défaut d’être bon. Page 43, la rituelle condamnation pleine page pour atteinte au droit à l’image des people. Cette fois-ci, c’est Amida Casar qui remporte le gros lot du concours du tiroir-caisse. La routine.
Au total, Voici ne s‘est pas trop foulé, mais bon, quelques photos et deux, trois articles marrants, le plaisir de la lecture est donc satisfait. Sauf que dans le rôle du premier pénible, c’est Frédéric Beigbeder qui s’y colle, avec sa chronique page 5. Je cite in extenso un passage qui vaut son pesant de shit : «Ce qui nous a mis dedans en 2008, c’est le virtuel. C’est quand l’économie a cessé d’être réelle qu’elle a ruiné le monde. Le virtuel rend fou. C’est le problème numéro un des ados. Facebook les drogue au narcissisme. Quand j’avais 15 ans, j’allais au café près du lycée jouer au flipper avec mes camarades de classe. Je ne dépêchais pas de rentrer chez moi pour leur téléphoner : je leur parlais en face». Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les adultes qui ont construit le château de cartes économique qui vient de s’écrouler. Ce sont donc les ados qui auraient de bonnes raisons de s’en plaindre. Et puis entendre un adepte des paradis artificiels comme lui nous bassiner avec les vertus du monde réel, c’est beau comme un vidangeur asphyxié par un bouquet de roses (Desproges dixit). Dans sa péroraison, il annonce qu’il efface sa page Facebook. Dédé, tu sais quoi ? On s’en tape.
Dans Match, cette fois-ci, les pénibles s'y mettent à deux et attaquent d’entrée. La couverture et six pages obséquieuses et dégoulinantes sont consacrées à Antoine de Caunes et Daphné Roulier. L’interview sans langue de bois se résume à demander à Daphné quelle robe elle portera lors de la soirée des Césars, animée par son mari Antoine : «Très décolleté dans le dos et fendue sur la cuisse». Quant aux «révélations» sur la soirée, figurez-vous que Tonio fera baisser la lumière, pour que les gens se sentent plus à l’aise. Avec un tel feu roulant de questions déstabilisatrices, Madoff serait encore en train de faire tourner son petit business. D’ailleurs tiens, il est là, Bernie, avec deux pages dans le style «Personne ne s’est douté de rien». Pas Paris-Match, en tout cas, qui l’avait portraituré au temps de sa gloire. Quelques belles pages, en revanche, sur les enfants de Bombay. Bon, je serai charitable pour cette fois. Mais n’y revenez pas, Antoine et Daphné.
J’ai gardé le meilleur pour la fin. Vainqueur toutes catégories pénibles de chez pénibles. Car j'ai lu aussi sur Gala. Je vous fais grâce du sommaire pour en venir directement au morceau de bravoure, Elsa Pataky en Afrique du Sud. On ne saura pas où elle était, exactement. Les images auraient été faites au zoo de Thoiry que je ne serais pas autrement étonné. En quatre pages, notre abonnée aux nanards change cinq fois de tenue et trois fois de montre. Elle pose ainsi devant un troupeau de buffles en saharienne et bottes en cuir retourné, maquillée par Beatriz Matallana et habillée par Benat Yanci. Morceaux choisis.
Question : «Vous n’avez peur de rien ?» Réponse : «Faire des photos avec des lionceaux et des rhinocéros, c’est merveilleux. Mais il convient de ne pas commettre d’imprudence». Relance de la journaliste : «Vous recherchiez des sensations fortes ?». Réponse : «(Le buffle) est l’animal le plus dangereux d’Afrique. Le chauffeur m’a dit de marcher lentement (…). Si j’avais couru, les bêtes auraient certainement chargé et je ne serais plus là pour vous en parler…». Allez, une petite dernière, pour la route : «En plus de vous consacrer à la réadaptation des animaux à la vie sauvage, vous aidez à la recherche sur le cancer du sein. Que pense Adrien (son compagnon) de ces initiatives ?». Réponse : «Il se demande comment je peux faire autant de choses à la fois. Je suis hyperactive. Adrien est beaucoup plus calme».
Je suis encore tout retourné d'un tel déluge d’impertinence et d’un don aussi pétulant pour la répartie cinglante. Pour connaître les secrets beauté d’Elsa Pataky, Gala recommande ses pages Lifestyle, Beauté, bien être. Pour s’initier aux méandres de son esprit, en revanche, rien. C'est ballot. Le reportage s'appelle "Out of Africa”. Je serais Meryll Streep, je ferais un procès en diffamation. Je serais les buffles aussi.