Pas facile d'épater les mômes. Pourtant, je pensais avoir de quoi : un iPhone 5 flambant neuf... Mon petit neveu (9 ans) me regarde m’en servir. Puis il s’approche, avenant et enjoué. «Ah dis donc, tonton, c’est un quoi, ton nouveau téléphone?». Tonton, pas peu fier d’épater le mouflet, commence à se gargariser avec des explications du style «iPhone bla bla bla Siri gna gna gna, photos 8 mégapixels, patin couffin …» Pour un peu, comme disait Franquin, ça cirerait les œufs et ça battrait les chaussures en neige. Mais le mioche interrompt mes vantardises, péremptoire et un rien ironique. «Ah, ouais, j’ai le même, il est nul !». Sales gosses. Je t'en collerais, moi, des portables 3G...
Côté technologie, mes filles sont balèzes. Ça fait un moment qu’elles font utilisent les moteurs de recherche, trouvent des sites pour filles, jouent à des quizz à 10 questions (es-tu ceci, n’es-tu pas cela?), me demandent l’autorisation de chatter… Et puis quoi encore. Vous ne voulez pas vous inscrire sur Facebook, pendant que vous y êtes ? Et puis tiens, dites-moi comment vous faites des recherches sur Internet ? Montrez-moi ça que je vois si tout est sous contrôle. Réponse cinglante : «Nan mais oh, tu veux mon poing sur la Google ?». Au piquet, l’âne ! Sales gosses, y a pas de doute…
Mais il faut bien reconnaître qu'on n'est pas assez sévère. Faut pas s'étonner ensuite s'il y a du relâchement. Ainsi, il y a quelque temps, malgré mes très fortes résistances, les enfants avaient craqué pour un lapin nain gris aux yeux noirs. Et qui c’est qui s’en occupait ? Les caresses, fastoche, c’est pour les mômes. Mais la cage à nettoyer, pas de bol, c’est pour Papounet… Nous avions donné plusieurs surnoms affectueux à l’animal dont Wifi, car aucun câble ne lui résiste…), avant qu’il n’adopte définitivement le sobriquet de Skipper, qui lui allait comme une moufle.
Mais on a beau être un animal de compagnie mignon tout plein et tranquille comme Baptiste, on n’est pas de bois. Et c’est là où les Athéniens s’atteignirent, que les Perses se percèrent, et que les Croisés sautèrent par la fenêtre... Car le rythme de reproduction frénétique propre à cette espèce (Oryctolagus cuniculus , ça ne s’invente pas…) interdisait de le laisser s’accoupler à sa guise avec une quelconque moitié. Même pas en rêve, les lapines, mon gars. On n'est pas chez Playboy ou au Crazy horse, non mais des fois. Sous peine de se retrouver au bout de quelques mois avec une cage pleine à craquer de lapereaux. Notre lapin nain se morfondait donc sans femelle, en attendant sa gamelle du matin et les gouzis-gouzis d’après la classe. Quelle vie de chien… Heureusement pour lui, il a passé l'arme à gauche depuis, à mon curieux grand désarroi. mais ça c'est une autre histoire.
Toujours est-il qu'un soir, surprise : alors qu’on avait posé une couverture sur un fauteuil pour le protéger des griffes de la bestiole, voilà-t-y pas que Skipper s'est mis à la piétiner, la mordiller, puis à se caler en position adéquate et à s’agiter frénétiquement jusqu’au «Rhaaa Lovely» final (7 à 8 secondes plus tard), sous nos yeux à la fois compatissants (c'est bien, ma p'tite bête !), réprobateurs (une couvrante toute neuve, quand même...) et admiratifs (chapeau l'artiste !). Depuis, les enfants ricanaient et appellaient la couverture “Madame Skipper”. Quels sales gosses, c'est moi qui vous le dit !
Illustrations : JDE, Wikipedia