- quelque chose d’intelligent
- en 140 caractères, pas un de plus
- quitte à copier sur ce que d’autres cerveaux plus stimulés et moins imbibés ont réussi à pondre en deux temps trois mouvement, alors que certains passent trois heures à glandouiller devant l’écran avant de s’endormir en sursaut sur la barre d’espace.
On l’a déjà répété 100 000 fois, mais certains ont envie de redoubler, si c’est pas malheureux quand on voit comment leurs parents se sont saignés aux quatre veines pour leur offrir des études à l’Ecole des Cadres et un mac book pro même pas fini de payer.
Ainsi, par exemple, les crânes d’œuf de la firme de San Francisco (ci-contre, Jack Dorsey) ont inventé le retweet (je fais suivre, RT). Et la bienséance de bon aloi qui règne sur ce réseau social composé de personnalités éminentes et bien élevées, la bienséance, disais-je, voudrait qu’on laisse un peu de place dans un message Twitter si on veut qu’il ait une chance d’être repris par d’autres esprits éminents et bien élevés, sans qu’ils soient obligés de le retailler.
A ce stade, j’imagine certaines personnes aux yeux inexpressifs qui me lisent en mâchonnant leur serviette en papier, tout en s’essuyant les mains avec une tartine beurrée. Je me dis que si je veux être compris, il faut que je donne un exemple. Alors, exemple. Je dis un truc renversant de pertinence et de perspicacité :
Doespirito : Mais il pleut aujourd’hui. Moi qui ai oublié mon parapluie. C’est vraiment pas de bol, pour une fois que j’en ai besoin, je suis maudit… !!!
Top pile 140 caractères ! C’est beau, non ? J’ai envie de signer, tiens.
Evidemment, un médiocre qui cherche à se faire mousser se dépêche de ramener sa fraise et ses fautes d’orthographe, s'extasie devant ce bijou de littérature comme Sarkozy devant une Patek, et décide de le coller dans son statut sans se laver les mains avant. Mais comme il est poli (ce qui le différencie sur ce point du mot de Cambronne et du pet mal maitrisé), il indique par un signe de connivence (RT) que ce n’est pas lui, misérable tâcheron, mais moi, qui suis à l’origine de cette maxime de Larochefoucauld en puissance. Le clin d’œil révérencieux du vermisseau inculte devant l’homme de lettres honoré par ses pairs. Je ne mets pas de « e » pour rester poli, justement.
DuCon : RT @Doespirito Mais il pleut aujourd’hui. Moi qui ai oublié mon parapluie. C’est vraiment pas de bol, pour une fois que j’en ai besoin, je suis maudit… !!
Et là, paf, la tuile : 153 caractères, 13 de trop. DuCon est certes bien élevé, mais il a un peu de mal avec les soustractions à trois chiffres. Je pose 153 et j’enlève 13… On ne lui demande pas de calculer le pourcentage de hausse des dépenses de la dernière Présidence française de l'Union Européenne, que je sache ! En plus, 13, ça porte malheur. Et on est vendredi. Je vais le faire à sa place, tiens ça m’énerve. Ça donne un truc comme ça.
Ducon : RT @Doespirito Mais il pleut aujourd’hui . Moi qui ai oublié mon parapluie. C’est vraiment pas de bol, pour une fois que j’en ai besoin…
Mais DuCon est un peu susceptible sur les bords. Il n’aime pas qu’on tripote ses tweets, même s’il n’a fait que les recopier sur Amélie Nothomb. Il se décide de retwitter en citant ses sources sans sourciller. Evidemment, pour que ça marche, il faut qu’il coupe au moins une quinzaine de signes. Lesquels ? Ben ça dépend, se dit Ducon. Il est comme ça, DuCon. Ignare, mais il vous répond direct. Ça lui donne un petit côté attachant. Parce qu’avec un nom pareil, la vie ne lui a pas fait de cadeau, faut dire. Mais c’est bien joli de dire ça dépend. Parce que ça dépend, ça dépasse encore une fois.
Heureusement, avant que je pique une crise, c’est un autre badaud numérique, Lapluie, qui retire les doigts de son nez et qui s’y colle. Je suis quand même obligé de veiller au grain. Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, le premier qui rigole, je lui en mets deux.
Lapluie : RT @Doespirito, @Ducon Mais il pleut aujourd’hui . Moi qui ai oublié mon parapluie. C’est pas de bol, pour une fois que j’en ai besoin…
132, 133, ok, c’est juste, le compte est bon. Mais après Lapluie, arrive Lebeautemps. En dehors d’être une plaisanterie facile, c’est aussi une fine linguiste qui pointe ses Louboutin, et qui se dit qu’on peut couper une phrase sans toucher au sens du message cardiaque, hu hu, elle est bien bonne, les linguistes, il leur en faut peu. En même temps, ça m’arrange. Parce que si on se met à expliquer 50 RT les uns derrière les autres, je vais finir par tirer dans le tas. Ce qui ne devrait rien arranger, car un meurtre en direct, ça va en faire, des tweets et des retweets. Bref, Latuile coupe en gardant l'esentiel.
Lapluie : RT @Lebeautemps, @Doespirito, @DuCon Mais il pleut aujourd’hui. #Cestpastoutça #Onestpasdici #Ladditionsiouplait
Bon, j’ai déjà expliqué ici l’histoire des « # », ne me coupez pas, c’est déjà assez compliqué comme ça. Malgré ça, on comprend encore vaguement qu’on parle d’averses passagères prenant un caractère orageux, fraichissant 4 sur Dogger, Fisher et Sandetier. A ce moment-là, alors qu’on aurait pu rester peinard, déboule Monsieur Météo qui vient nous prendre le melon au Porto, alors qu’il a déjà un cumulo-nimbus de Caïpirinha et deux giboulées de Vodka dans le pif. A sa place, je me ferais petit, petit, petit. Mais lui, non ! Il faut qu’il ouvre sa grande gueule.
Monsieurmeteo : RT @Lapluie, @Lebeautemps, @Doespirito, @DuCon Mais #keskibaveçuilà #yenajtjure #Roberttunousremetsça
Et voilà, t’es content, Sébastien Follin ? On n’y comprend plus rien, maintenant. 140 signes, c’est pourtant pas difficile à retenir, merde !
Illustrations : Dqatabrick, Louboutin, Wikipedia, Arts et Métiers