C'est en attaquant une pâte à crêpes que la question m'a sauté aux yeux. Forcené de la digression, je me suis demandé «Mais ça vient d'où, la chandeleur ?». J'ai tout de suite regardé la définition sur wikipedia. Bon, c'était pas facile, avec la farine collante sur les doigts, j'ai fait des gros pâtés blancs sur les touches de mon Mac. Mais j'ai fini par lire que la Chandeleur commémore la Présentation du p'tit Jésus au Temple de Jérusalem et les relevailles de sa mère. Ceci d'après Luc, un des gars qui suivait le Christ sur Twitter.
Moi qui croyait simplement faire des crêpes, voilà que j'étais en train de commémorer la présentation du sportif. Ben si, le sportif, vous voyez ? Le gars avec les bras écartés et les pieds l'un sur l'autre. C'est comme ça qu'un déménageur, un jour, avait désigné un gros crucifix : je passais devant son camion, je l'ai entendu apostropher son collègue musclé d'un sonore «Yvon ! Rends-toi utile ! Passe-moi le sportif !».
J'ai poursuivi mes investigations. Il n'y avait plus rien à faire, la pâte à crêpes, ça repose 24 heures. Je finis par dégotter un texte qui dit que la Chandeleur a une origine païenne : dans la nuit des temps, on allumait des chandelles à minuit, symbole de purification et de la fertilité, quand l'hiver commençait à donner des signes de fatigue, fin janvier, début février. Les Romains faisaient aussi une fiesta appelée Lupercales (du latin Lupus, loup), cérémonie à la fécondité inspirée de la légende de Romulus et Rémus, recueillie par une louve. Enfin, j'ai trouvé trace d'une pratique germaine et scandinave, qui célébrait le moment où l'ours commence à sortir de sa tanière, vers le 24 janvier.
Enfin, approximativement. L'horloge biologique du plantigrade n'est pas aussi précise que ça, faut quand même pas déconner non plus... On en profitait pour se déguiser en ours et autres bestioles mal léchées, histoire de faire diverses ripailles et d'allumer des flambeaux. L'église a fini par éradiquer ces cultes en ajoutant des chandelles à son histoire un peu bancale de présentation, qui avait un peu de mal à s'imposer, faut dire ce qui est. Ce coup de génie revient au Pape Gélase 1er (492-496). Et c'est ainsi qu'une fête païenne est passée à la trappe et dans le giron des cathos. La prochaine fois, pour marquer ma désapprobation avec cette récupération, je me déguiserai en ours pour faire sauter les crêpes.
Mais les autres fêtes officielles qui sont fériées, celles-là ? Sont-elles chrétiennes ou pas ? Faut-il les garder ou pas ?
Le Nouvel An, date des étrennes de ma concierge. Pour une fois, c'est un roi français, Charles IX, qui a mis fin, le 9 août 1564, au souk qui régnait jusqu'ici sur la date du début de l'année : 1er mars, Noël, Pâques, sans compter les variations géographiques. Les années démarraient un peu quand elles voulaient et duraient tant qu'elles pouvaient. En 1622, le pape de l'époque, Grégoire XV, a suivi le mouvement en instituant le 1er janvier premier jour du calendrier catholique. Bon, moi je m'en fous un peu de savoir quand l'année commence, tout ça étant très formel. Va pour le 1er janvier.
Le 1er mai, fête du travail, est devenue avec le temps providence des feignasses. A l'origine, c'était une journée de grève annuelle pour la réduction du temps de travail, marquée par de nombreuses conflits violents dans différents pays, mais surtout aux Etats-Unis. En France, la fête a été déclarée chômée le 23 avril 1919 par le Cartel des Gauches. C'est sous Pétain que c'est devenu la Fête du Travail (et de la Concorde sociale), et que le muguet a remplacé l'églantine rouge associée aux travailleurs mal pensants. Malgré cette récup', pour l'histoire du mouvement ouvrier et pour le parfum enivrant du muguet, je vote pour le maintien inconditionnel.
Le 8 mai, commémore la capitulation nazie, le 8 mai 1945. Mais c'est surtout re-belote et dix de der pour les cossards, une semaine après le 1er mai. Férié de 1953 à 1959, puis re-férié par le fait de François Mitterrand, depuis 1982. Honnêtement, je ne suis pas fana de cette commémoration, sauf si c'était vraiment une journée de la paix. Je vote pour la suppression.
Le 14 juillet, la fête nationale, commémore la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790, contrairement à ce qu'on croit, et pas la prise de la Bastille. C'est surtout la fête des soldats musculeux du feu, il fait beau en général, c'est le début des vacances. Il y a bien le défilé qui heurte mes convictions anti-militaristes. Mais voir les Saint-Cyriens marcher dans le crottin des chevaux de la garde républicaine, sur les Champs, c'est un toujours un grand moment de rigolade. Donc ok, on garde.
Le 11 novembre, anniversaire de la grande boucherie des Poilus. Le dernier, Lazare Ponticelli, a été enterré le 12 mars 2008, après 110 ans de bons et loyaux services. Là, je suis partagé. Je veux bien garder le 11 novembre, mais à condition de ne jamais oublier la bêtise humaine qui présida à son déclenchement et sa conduite. Et donc sous réserve de mettre la pédale douce sur la phraséologie militaire, ce jour-là.
Il reste quelques fêtes catholiques, dont je me demande d'où elles viennent, et s'il faut les garder. Je m'en vais vous expliquer tout ça en deux coups de cuillères à pot. Si j'arrive à décoller mes doigts collants du clavier.
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