Zen. On vient de laisser son chien me pisser sur le bas du pantalon en faisant mine de regarder ailleurs, alors que je suis tranquille à la terrasse d'un café à savourer les éclaircies de novembre. Je me lève, un grand sourire aux lèvres, genre «Laissez, il faut bien qu'elle marque son territoire, la pauvre bête». Et là, je décoche un coup de pied de pénalité des familles qui expédie le canidé malpoli au-dessus des bagnoles en stationnement, de l'autre côté de la rue. Puis je brosse un peu ma veste, et je me rassois en ajoutant «Sauf que là, c'est chez moi et que j'aime pas les étrangers qui rentrent sans prévenir !»
Faut pas m'énerver. En ce moment, il y a des gens qui m'énervent un peu. Ce sont ceux qui racontent des conneries sur leur blog ou sur Facebook, qui se font repérer, qui se font ensuite sermonner, attaquer en justice ou parfois carrément virer. Et qui, après, vont pleurer dans le gilet des bonnes âmes médiatiques. Comme cela a été le cas avec Vieux Félin, blogueuse prise la main dans le sac à main, que Guy Birenbaum s'est empressé de consoler.
Guy Birenbaum - Europe 1
Je n'ai rien contre Guy Birenbaum, je le précise tout de suite. Ni contre les gens qui racontent des conneries dans leur blog. Je suis le premier à le faire. Un blog, c'est fait pour ça. Ça ne devrait d'ailleurs être que ça. Un blog, c'est perso. C'est fait pour s'exprimer comme on l'entend. A condition de savoir écrire, évidemment. Et d'avoir du style. Mais... Il y a un gros, un énorme, un monstrueux "mais". Quand on appuie sur le bouton "Publier", ça se retrouve sur Internet. Si vous n'avez pas pris quelques précautions élémentaires, ce n'est pas parce que vous vous cachez derrière un avatar qu'on ne pourra pas savoir qui vous êtes. J'ai raconté ici comment j'avais retrouvé le créateur de "Chatroulette" en deux temps et trois coups de cuillère à pot. Et donc, si vous bloguez vos fameuses conneries, qui, encore une fois, sont des plus respectables, vous ne devrez pas venir vous plaindre si vous vous êtes comporté(e) comme un(e) bourrin(ne) et que certains viennent vous chercher des noises ou veulent vous virer sur le champ. Ce n'est pas anormal que des gens réagissent comme ça. Il y a des milliards de moyens de continuer à bloguer ou à plaisanter sur Facebook en toute tranquillité. Lesquels, me direz-vous ? On y arrive.
A visage découvert, assumez !
Etes-vous prêt à assumer les conséquences ce que vous faites, si on vient vous chercher des crosses ? Oui ? Alors, c'est parfait. Le premier qui viendra rouspéter se prendra un coup de pied de pénalité là où je pense, façon David Skrela. Rien à dire. Juste chapeau. Il y a de flopées de blogueurs qui font comme ça et qui sont des plus respectables. Lisez Ioudgine et Dariamarx, qui n'ont pas leur langue de vipère dans leur poche. Il y a aussi des tas de gens sur Facebook et ailleurs qui postent ce que bon leur semble, et à qui il ne viendrait à l'idée de personne de s'en offusquer. Et ce sont de loin les gens les plus respectés.
Dans le cas contraire, préparez-vous à la tempête. Vous mettez des bites, des putes, des chattes et des couilles dans chaque paragraphe, vous racontez que votre supérieur est à peine la moitié d'un extrait de lavement de bourricot, vous postez vos nichons peinturlurés sur Facebook, vous affirmez que vos salariés ou vos élèves sont des peignes-culs, vous prétendez rageusement que votre ex en avait autant dans le pantalon que Mick Jagger quand il sortait de sa piscine d'eau froide ? Et vous tombez de votre chaise quand on vient vous asticoter? Tout ça parce que vous avez pris la précaution de vous cacher derrière votre petit doigt en pensant que personne ne viendra chercher ici ?
Alors, ce qui vous arrive est juste mérité. Et à propos de petit doigt, je ne lèverai jamais le mien pour vous donner le moindre coup de main. Je sais, vous vous en foutez, et puis la phrase est bizarre, mais c'est une image pour vous expliquer à quel point la merde dans laquelle vous vous êtes collé est de votre fait. Et qu'il serait bon que vous vous en sortiez vous-même plutôt que venir nous bassiner. Soyez honnêtes aussi : vous pouvez tirer parti du ramdam. Un jour, Beigbeder a écrit 99 Francs, une charge réjouissante contre la pub. Il s'est tout de suite fait licencier par son employeur, Young & Rubicam. Mais il n'en avait rien à secouer. Car il était prêt à en assumer toutes les conséquences. Et que ça l'arrangeait. Mais lui, il avait un truc pas évident de plus que les autres. Comment ça s'appelle déjà... Ah oui : du talent ! Donc, si, tout bien réfléchi, vous décidez de publier quand même, il faut en avoir un minimum et prendre ses responsabilités. Vous assumerez en envoyant bouler les rouspéteurs. Sinon, vous irez sangloter chez Birenbaum.
Masqué, prenez des précautions
C'est con, mais on ne fait pas n'importe quoi parce qu'on est sur Internet. Masqué ou pas, d'ailleurs. On ne prend pas les photos ou les dessins qu'on voit pour les republier sur son blog ou sur son profil de réseau social : on demande d'abord l'autorisation à l'auteur. Et ce n'est pas parce que vous ne le trouvez pas que vous avez le droit quand même. On ne copie-colle pas les textes des autres non plus. Au mieux, on demande à l'auteur, au pire on cite quelques lignes et on met un lien vers le site de l'auteur.
Et même si on est masqué, on réfléchit avant de parler. Déjà, on fait attention à tout ce qui, dans votre contenu (écrit, photos, vidéos...) pourrait vous faire identifier par votre entourage. Les gens ne sont pas toujours des flèches, mais quand même... On réfléchit aussi à ce qu'on raconte. Dans la vie courante, quand on vous demande votre avis, vous racontez les premières conneries qui vous passent par la tête ? Ça m'étonnerait vraiment... Ou bien vous devez être des pénibles de première. Eh bien sur Internet, c'est pareil. Internet, en plus, c'est de l'écrit, et les écrits restent. Une insulte, une diffamation écrite, ça vous gifle la figure. Quelqu'un qui vous injurie dans la rue, on a oublié une heure après. Quand on reçoit une lettre d'insulte, ça fait un autre effet. En plus, là, il reste une preuve.
Ensuite, il y a des précautions techniques. Ainsi, VieuxFélin (qui n'est pas très fufute, pour un félidé...) ne s'était pas rendu compte qu'on trouvait son blog en tapant son nom sur Google. C'est ballot, hein ? Moi, les bras m'en tombent, honnêtement. J'ai trouvé son nom de famille et c'est juste un effet de ma bonté si je ne le révèle pas. Déjà, on ne s'inscrit sur une plate-forme de blog avec sa vraie identité, si on veut la cacher. Les comptes gmail et yahoo avec des pseudos, c'est pas fait pour les chiens. Ensuite, on ne blogue pas sur son lieu de travail ou dans un endroit fréquenté par plein d'autres personnes. Si vous ne pouvez pas faire autrement, vous prenez un sacré risque. Mais dans ce cas, fermez bien vos fenêtres, déconnectez-vous de la plate-forme de blog, effacez l'historique et videz le cache à chaque fois que vous quittez son poste. Même chose si on ne peut s'empêcher d'aller sur Facebook tout en faisant semblant de bosser : on se déconnecte à chaque fois, quitte à retaper son nom et son mot de passe. Je sais, c'est contraignant. Mais vous ne pouvez pas avoir le beurre, l'argent du beurre et enculer la crémière sur le comptoir, non mais des fois !
Et si vous avez déposé un nom de domaine pour votre blog, faites aussi très attention : avec une requête whois, on vous retrouve en 2 secondes, montre en main. Il y a des moyens de réduire ce risque, mais renseignez-vous bien avant. Enfin, et ça je le répète : on prend des mots de passe un peu compliqué. Si c'est juste votre prénom, ou celui de votre chien ou "blablabla", vous êtes mal barré. Un bon mot de passe compte au moins huit caractères mélangeant des chiffres et des lettres. Et si vous le perdez, faites-en sorte que la réponse à la question qui permet de le retrouver ne soit pas évidente. Il suffira de regarder sur votre profil Facebook pour en apprendre plein sur vous, ne l'oubliez pas.
Voilà. Le message est clair : arrêtez de vous comporter comme des gros cons. Réfléchissez à ce que vous faites, organisez-vous et vous verrez que ça se passe tout de suite bien mieux. Maintenant, pour vous donner une bonne leçon, je suis allé interroger deux experts de l'avatar virtuel, Inzecity et Joe La Pompe, blogueurs masqués. Mais eux, ce ne sont pas des zozos qui croient bloguer de façon anonyme alors que la Terre entière est déjà au courant. Comment ai-je fait pour les interviewer, s'ils sont anonymes ? Ça, c'est mon problème et je vous merde. Leur interview est là.
Illustrations : Wikipedia (dont Vermeer), Delcourt