Mon enfance avait ses clartés : les jours brûlants de juin, le ciel toujours bleu, les illustrés dévorés des après-midis entiers, les parcours de cyclistes en plomb dans le sable, les batailles d'indiens et de cow-boys dans l'herbe, les cerisiers gorgés de fruits et les prunes chaudes du voisin, les petits ponts fabriqués en sureau sur le ruisseau tout proche, le bout de pain de quatre heures, mes parents discutant sans fin dans la nuit étoilée, la main de mon grand frère sur mon épaule.
Je n'ai eu qu'une envie : que cette enfance en finisse, qu'elle me laisse partir et qu'elle m'oublie, vite. Dès que j'ai pu, j'ai fui, loin, vers le collège, le lycée, l'université, puis d'autres villes, puis une grande ville. Et puis un jour, par hasard, en visitant une exposition à Paris, l'adulte a revu par hasard l'enfant. Nous sommes tombés dans les bras l'un de l'autre. Nous avons ri, nous avons pleuré... Nous nous sommes promis de ne plus jamais nous perdre de vue. La tristesse durera toujours. Mais je crois que l'enfant était fier de l'homme que je suis devenu. Et moi, je regarde maintenant avec tendresse mon visage de gamin en bretelles et la main de mon grand frère sur mon épaule.
Voici l'histoire de ces retrouvailles. Merci à Béatrice pour son atelier photo en ligne, où j'ai écrit ces quelques lignes pour la première fois.
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L'orage emporta le pont de sureau
Le hasard fait bien les choses, mais visiblement, ça ne lui suffit pas : il s'ingénie à les combiner entre elles pour extraire, quand on ne s'y attend pas, des émotions enfouies dans les tréfonds de vos souvenirs, calfeutrées dans des valises dont on pensait bien avoir perdu la clé. Avant de tourner au régressif, ce dimanche avait commencé simplement par une visite en famille de l'exposition L'œil sur l'échelle, d'Edouard Sautai, au Centre Pompidou. C'était il y a deux ans, je pense. Lire la suite...