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Rédigé à 14:54 dans Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Père Noël, t'es saoulant ! Tu nous amènes des trucs qu'on n'a pas demandés et tu oublies d'apporter ce qu'on voudrait vraiment. Cette année, ça va changer, c'est moi qui te le dit. Ne m'amène surtout pas ce que je ne veux pas. Je vais te le dire, moi, ce que je ne veux pas. J'ai aussi posé la question aussi à mes copains-copines sur Facebook et Twitter. Et ils sont remontés, j'aime autant te prévenir. Commençons par ce que je ne veux pas.
1 - Un packageGenre week-end détente, forfait massage, restaurants sélectionnés, soirées privilège... J'ai encore 3, 4 de ces boites, qui me servent à caler mes étagères. C'est une fausse bonne idée. On dit qu'on va y aller, on est vachement content. Et puis les mois passent et on oublie. Et quand on se décide enfin, les forfaits sont juste merdiques, les restaus même pas calculés par le Petit Fûté et les salons de massage donnent envie de se pendre au dessus du jacuzzi. Le prochain, je le donne à un clodo et je le filme quand il rentre chez Nuxe. Ça va être un grand moment...
2 - Un tablier pour faire la cuisine
J'en ai déjà dix, avec des imbécillités graveleuses écrites dessus, accrochés derrière la porte. Ils tiennent ensemble à cause d'une espèce de couche grasse qui fait carapace par dessus. Ou alors si, offrez-m'en un onzième : pour recouvrir les autres.
3 - Un parfum
J'aime ça, là n'est pas la question. Mais j'ai de l'eau de toilette pour une bonne dizaine d'années. Le Boss est à peine entamé. L'Aqua di Gio prend la poussière et il y a un O Hui qui va passer direct de l'étagère de ma salle de bain à celle de la salle des ventes, le jour où on dispersera mes affaires pour la vente de succession.
4 - N'importe quel livreJe veux bien un livre, père Noël. Mais pas n'importe lequel. Si tu m'offres Max Gallo, Guillaume Musso, Marc Lévy ou même le Prix Goncourt (et pourtant, j'adore Houellebecq), je t'en colle une en pleine barbe. Et je répéterai partout que tu n'es qu'un jean-foutre en houppelande qui n'achète que les livres en plastique décorant les étagères chez Ikea.
5 - Un chèque-cadeau
Tu te moques ? Ce serait à moi d'aller dans les magasins, me faire marcher sur les pieds, tourner pendant des heures sans rien trouver, me battre pour accéder aux caisses ? Tu bosses un jour par an, tu es là pour en chier, Père Noël. Fais-moi un cadeau à moi, que moi seul je pourrais apprécier ! Là, c'est comme ça. Ah bah c'est dur, je sais. Mais les chèques cadeaux, c'est sans âme, sans magie, sans pensée... Encore si c'était drôle genre chèque cadeau pour la boutique du sex toy, rue Quincampoix, je ne dirais pas. Au moins, il y aurait une intention...
6 - Une cafetière Nespresso
Contrairement à ce que tu crois, ça fait cadeau de fauché. Sur Kelkoo, tu en as à moins de 100 €. Mais après, chaque capsule, c'est un bras. Et comme trace carbone, pardon ! C'est tout beau, top packagé, bien coloré et tout, mais il y a des déchets de folie. Et c'est moi qui vais payer et descendre la poubelle? Jamais de la vie ! (Même chose que Michael, sur Twitter).
7 - Un pré-emballé
Sans âme, récupéré à l'arrache à la Fnac... Ça veut dire que tu étais vraiment à la bourre et que tu as pensé à moi au dernier moment. Donc je le prends TRES mal, Père Noël. Je veux que tu cherches, que tu te creuses la tête, que tu transpires et que tu reviennes crevé. Que tu pues des pieds, même : je vérifierai. Tu n'as plus l'âge de te friter avec les vigiles pour rentrer quand même alors que le magasin ferme. (Idem Pascal)
8 - Un DVD d'un “live” de Dorothée
La nostalgie, merci bien... Mes enfants ont écouté ça en boucle il y a quelques années. Je pensais en être débarrassé, du nez de Dorothée, de Monsieur l'ordinateur et autres cornichonneries de Récré A2. Je l'ai vue cette semaine à “On n'est pas couché”, elle est toute gentille, c'est pas la question. Mais ça me flanque le cafard, il n'y a pas de mots. Tu ne peux pas comprendre, tu n'as pas eu d'enfants. D'ailleurs, si tu en avais, tu ne leur achèterais pas Dorothée. (Déniché aussi par Christophe).
9 - Un lapin/Chat/Hamster
Alors là, ça serait le pompon. C'est toi qui va te faire mordre jusqu'au sang par le hamster quand il faudra le rattraper sous le lit après son évasion ? C'est toi qui va défaire les nœuds de ses minuscules draps de lit, qu'il aura noués pour se faire la belle de sa cage ? C'est toi qui ira aux toilettes tous les matins avec l'odeur de la pisse et de crottes de chat fraîches sous le nez ? C'est toi qui va réparer les connexions découpées au sécateur par Jeannot Pinpin ? Alors Monsieur se balade avec un manteau doublé en zibeline et nous, il faudrait qu'on se cogne, nous, les bestioles vivantes ? (Partagé avec Armelle).
Bon, maintenant, voici ce que mes amis Facebook et Twitter ne veulent pas pour Noël. Je souligne et je mets en gras. Je mettrai des lettres qui clignotent, s'il le faut. Ce qu'ils ne veulent pas, d'ailleurs, c'est ce qu'ils ont déjà reçu comme cadeaux merdiques, si tu vois ce que je veux dire...
Christine : Je n'ai pas envie de quelque chose qu'on me donne sans chaleur, sans un regard, sans un baiser... Parce que c'est pour moi, l'essentiel, c'est ce qui est offert avec la chaleur du cœur...
Emmanuelle : Un mug gravé à l'effigie du Prince Charles et de Camilla !
Mathieu : Oh moi, je ne suis pas difficile, je veux bien tout, parce que c'est l'intention qui compte... Un cadeau qui ne plait pas, hop, sur ebay, et ça se transforme en cadeau qui plait...
Caro : Un truc qu'on t'offre en te disant qu'on a immédiatement pensé à toi en le voyant. Alors que toi, tu trouves ça affreux. Tu te forces à sourire pour ne pas décevoir alors que c'est toi qui es déçu ! Le pire étant que tu finiras par le porter, ou par le poser en évidence dans ta bibliothèque...
Hélène : Pas d'habit, pas de parfum, pas de babioles, pas de bijoux. Juste un Ipad...
Virginie : Un truc pour faire à manger, pour faire la vaisselle ou nettoyer... Le père Noël qui m'offre ça, il le prend dans la g...
Michèle : Un grand nombre de Noëls gâchés par toujours le même cadeau : des couverts en argent. Et le cadeau final fut la ménagère pour ranger tout cela...! J'étais gamine, puis ado et j'enrageais dès que je repérais l'emballage...
Anne : Une copine m'a offert un ours en peluche pour mes 40 ans. Je n'en suis pas revenue, quelle idée ! J'ai vraiment ri jaune ce jour là. Je viens juste de le donner au Secours Populaire. Il avait encore l'étiquette et il était très joli... pour un enfant...
Béatrice : Pour le Noël d'entreprise de SKF, l'usine de mon père, trois années de suite, je me suis fadée un dictionnaire : le même à chaque fois ! Il fallait monter sur une estrade à l'appel de son nom. Là, un mec jovial me remettait le cadeau redouté, reconnaissable par sa forme et son volume. J'avais 11 ans et je tirais une de ces tronches.... Puis ce fut le tour des réveils, un nouveau chaque année, que mon frère, heureusement, démontait systématiquement. Depuis, je hais les comités d'entreprise...
Stéphanie : Moi, j'ai reçu d'un(e) membre de ma famille un cadeau «J'temmerde, mais faut bien que je me débarrasse de la corvée» : un "pyjama shorty" –en satin-vert-canard-imprimé-floral-made-in-china– sous blister, suremballé dans une pochette cadeau en alu rouge... Pour le même prix et moins d'efforts dans la quête du pire, j'aurais pu recevoir un Livre de poche, le seul truc qui m'aurait fait plaisir.
Vanessa : Le contre-cadeau... C'est comme ça que je l'appelle, moi ! Un cadeau fourbe que j'exècre, souvent offert par quelqu'un qui vous veut du bien... Genre un pèse-personne quand on est un peu en surpoids... Un pull col roulé très large quand on ne met que du moulant pigeonnant... Un shampooing bio anti-pelliculles pour cheveux gras...
Pascal : Je ne veux rien de marque Apple ! Je ne veux pas de tablette et pas de cadeaux à la noix... Genre pré-emballés et en tête de gondole... Vous savez, ces piles de cadeaux soi-disants à la mode et préemballés dans les magasins... Rien de pire !
Armelle : Un animal domestique (chien, chat, oiseau ou autre...). Je sais que c'est pas pareil pour tout le monde, mais je trouve que c'est déprimant, le côté domestique.
Aurélie : Un truc technologique hyper-sophistiqué qui ne me servira jamais à rien. Ça implique de me connaître un minimum...
Clotilde : Un affreux pull bariolé alors que tu ne portes que du noir mais la personne qui te l'offre adore les couleurs improbables. Le livre d'un auteur que tu ne supportes pas mais vu que c'est le dernier best-seller, c'est obligatoirement génial... Et enfin, je dirais tous les cadeaux genre sex-toys et autres...
Isabelle : Moi, de toutes façons, je n'aurai rien... ! Tu ne veux pas savoir ce que je veux, plutôt ?
Grégory : Moi, j'adore les cadeaux, j'accepte tout ! Donc logiquement, ce que je ne veux absolument pas, c'est "RIEN"...
Tiffany : Ce qu'on appelle chez nous "les attrape-poussière" : bibelots fort sympathiques au demeurant mais qui finalement ne font que prendre la poussière... Sauf si le bibelot fait partie d'une de mes thématiques de passionnée ou s'il se rapporte à une dimension particulière, je préfère un livre.
Voilà, tu es prévenu, Père Noël. On veut un effort particulier cette année, et on sera particulièrement vigilant. Tout écart sera sévèrement sanctionné.
Mes amis, comme vous avez été très gentils, je voulais vous donner un dernier conseil : ne donnez rien aux enfants. Ce sont des monstres. Tout à l'heure, je regardais Club Penguin, une sorte de Second Life pour gamins lancé par Disney. Ça se passe dans un univers polaire, les enfants ont des avatars genre pingouin et peuvent dialoguer entre eux et avec les personnages du Club. Le Père Noël interroge un des petits pingouins qui passent à sa portée :
- Que veux-tu comme cadeau à Noël, mon jeune ami ?
- Des allumettes, pour brûler ton igloo !
Et vous allez donner des cadeaux à de tels poisons ?
Rédigé à 08:45 dans Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
C'est suffisamment rare pour être noté : c'est la quatrième fois qu'il neige abondamment sur Paris cette année. Les spécialistes se perdent en conjectures. Certaines commencent à être inquiets. Comme Brice Hortefeux, sommité mondiale de la météorologie délinquante et hyperspécialiste en inclinologie des voies et chemins : «Une chute de neige, ça va. C'est quand il y en a plusieurs que ça pose des problèmes.»
En attendant, la boule à neige avec la tour Montparnasse dedans a encore été retournée. Que le coupable se dénonce, c'est plus drôle, maintenant.
Boulevard Edgar Quinet, un des plus moches de la capitale, des passants tentent de vérifier les thèses de Brice Hortefeux. Il est 7 heures, Paris s'éveille et la neige devient son croissant quotidien.
Rédigé à 08:38 dans Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Il a neigé trois flocons cette nuit sur Paris. Pas besoin de s'affoler. La vigilance orange ne passera pas par chez nous. Les saleuses sont remisées. Les panneaux du périf ne clignotent pas. Même les routes inclinées sont d'une désolante fluidité, alors que, la dernière fois, c'était leur faute si le trafic avait coagulé.
Le Luxembourg a pris une légère bourrasque. Il y a treize jours, exactement, il avait des allures de Saint-Petersbourg, pendant quelques heures. Les jogueurs semblaient pris dans la tourmente.
On avait vite fait fermé les allées. On ne sait jamais : des glissades ou une bonne tranche de rigolade, c'est si vite arrivé... Le principe de précaution appliqué aux potentielles batailles de boules de neige...
Même la rue Vavin avait revêtu ses plus beaux atours météorologiques. Pendant ce temps, Hortefeux ne voyait rien d'anormal dans son bureau avec tapis persan sur parquet point de hongrie.
Ce matin, il était exaucé : situation normale, météo terrorisée, Parisiens au boulot. Trois malheureux centimètres ont été saupoudrés dans les allées du Luco. Trois cuillerées à soupe de sucre glace sur les bancs des amoureux. Pas de quoi fouetter un amoureux transi.
Une pincée de Canderel sur les plates-bandes. Manque plus qu'une cerise confite 0% au milieu.
Un soupçon de sucre cristallisé vers les potagers. Pas trop, malheureux... Et mon régime ?
Les pompiers de Paris interviennent et piétinent le sucre excédentaire. Ils garent tous les matins leurs camions rutilants rue Auguste Comte et tournent ensuite dans le jardin en exhibant leurs mollets de marathoniens.
Et comme c'est Noël, le plaqueminier (arbre à kaki) offre ses fruits gorgés de sucre à la convoitise des promeneurs mélancoliques.
Rédigé à 09:49 dans Histoires insolites | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
Le petit garçon était entré dans le cimetière par le grand portail qui grinçait quand on l'ouvrait. Il était le premier visiteur de la journée : seul un chat était déjà passé, ses traces profondes en témoignaient. Il avait neigé en abondance dans la nuit et les tombes étaient recouvertes d'un manteau presque féerique. Le soleil de l'aube qui pointait se reflétait dans l'épaisse couche immaculée, la faisant scintiller partout où se portaient les yeux. Les ombres étaient bleues. Dans le ciel, il y avait quelques nuages roses.
Le gamin avançait dans les allées désertes et la neige crissait sous ses brodequins. Son duffle-coat rapé, ses grosses chaussettes tirées jusqu'aux genoux et sa culotte courte laissaient nues ses cuisses rougies par le froid, mais il s'en moquait, le nez emmitouflé dans un cache-nez. Il portait un bouquet de bruyère serré dans ses mains gantées de mauvaise laine que plusieurs doigts avaient percée. Quand il s'approcha de la tombe qu'il cherchait, deux corneilles noires s'en éloignèrent en croassant. Une pie l'observait du coin de l'œil, perchée sur un buisson de houx. Il hésita un peu, puis frotta la neige sur le granit d'une tombe, faisant apparaître le nom de ses parents.
...............
Ce soir, c'est Noël. Cette année, nous avons un peu d'argent. En plus des cadeaux du comité d'entreprise de mon père, Maman a pu acheter de quoi améliorer l'ordinaire en un vrai repas de fête. Il y aura une tranche de mousse de foie en entrée, du boudin blanc et des patates sautées et une petite bûche au dessert. Et surtout, des crottes en chocolat, mon péché mignon. Maman et Papa boiront des verres de vin rouge. Nous nous sommes habillés comme pour aller à une noce. J'ai mis ma culotte courte bleue des grandes occasions, une petite chemise et un pull en V par dessus.
Mon petit frère est à l'identique. D'habitude, ça m'énerve, mais là, je m'en moque, c'est Noël. Le Père Noël va passer, je le sais. J'ai vu les cadeaux dans le bas du placard de la chambre de mes parents. Ils sont emballés, et dedans il y a sûrement un Meccano. J'entends déjà les bruits des vis choquant le métal laqué de ce jouet fantastique. Je monterai des voitures à quatre roues à pneus noirs, la 5e à pneu blanc fera le volant. Je serrerai les écrous avec les outils fournis dans la boîte et peut-être que Papa me prêtera ses vrais outils.
Tout l'après-midi, nous avons écouté le même disque sur l'électrophone, des chants de Noël, chantés par un groupe d'enfants, les Djinns. Avec mon frère, on s'est égosillé sur “Minuit Chrétiens”, et sur "Pour Noël" :
Il y aura ce soir là des étoiles plein le ciel
Pour Noël, pour Noël, pour Noël...
Il y a, bien sûr, le fameux Petit Papa Noël, qui nous donne des frissons quand on reprend le refrain à l'unisson. Et ses couplets qui nous rappellent nos bêtises de l'année :
Et quand tu seras sur ton beau nuage
Viens d'abord sur notre maison
Je n'ai pas été tous les jours très sage
Mais j'en demande pardon...
Mais mon préféré, c'est "Noël blanc", dont je répète sans fin les paroles, tellement je les trouve belles :
Oh ! quand j'entends chanter Noël
J'aime revoir mes joies d'enfant
Le sapin scintillant, la neige d'argent
Noël mon beau rêve blanc...
D'habitude, Papa ne nous aurait pas laissé écouter deux fois le disque. Mais là, il ne dit rien. Alors on le remet encore et encore, en tirant sur le bras du lecteur de microsillon pour faire démarrer le moteur, puis en le posant au jugé sur le disque, ce qui le fait dérailler à chaque fois. Mes grands frères rouspètent dès qu'ils nous entendent faire ça, de peur qu'on abime leurs disques avec le saphir. Mais là, on a le droit de le faire, parce que c'est Noël. Et puis je crois qu'ils s'en moquent, des chants de Noël chantés par les Djinns. Si on pouvait le rayer définitivement, ça les arrangerait.
Non seulement on peut écouter de la musique autant qu'on veut, mais on s'est mis en chaussettes et on glisse sur le parquet ciré. Là aussi, c'est la trêve. D'ordinaire si impatient avec nos jeux béta, Papa ne dit rien. La salle à manger a été décorée. Papa a récupéré un sapin on se sait où. Il est décoré avec quelques boules et deux guirlandes. Il sent bon l'épicéa frais coupé. Mes grands frères ont même peint à la gouache les ampoules des appliques, en bleu, en rouge, en jaune... Ce qui fait un bel effet lumineux, même s'il flotte dans l'air une odeur indéfinissable de peinture lentement cuite par la chaleur du verre.
Sous le sapin, mon grand frère a construit une crèche, en fait un petit chalet en carton recouvert d'allumettes, pour le bois, et de coton, pour la neige. Il a même mis une petite ampoule de vélo à l'intérieur, relié à une pile Leclanché. On peut regarder dans cette petite maison, comme des géants qui colleraient leurs yeux aux fenêtres. Il y a deux chambres, avec des lits en papier, une cuisine avec un évier en papier. Et même un toilette avec une cuvette en papier. Il a eu du mal à la coller, je le revois encore posant délicatement son ouvrage par dessus le toit encore ouvert de la maquette. Mais le résultat est fantastique. De temps en temps, on éteint la pièce et on regarde encore et encore à l'intérieur. Je voudrais habiter, il a l'air de faire chaud, c'est calme et c'est tout le temps Noël, dans le chalet d'allumettes. Mon grand frère a même mis du feutre vert pour faire la moquette. C'est beau !
De la cuisine arrivent des odeurs de pommes de terre à l'ail rissolées. J'entends Papa et Maman qui parlent. Qui parlent fort. C'est juste Maman qui parle, d'ailleurs. Papa est dans la salle à manger, planté comme un piquet. Je ne l'avais pas vu depuis tout à l'heure, tant il est tapi dans l'ombre et insensible à notre va-et-vient infernal. En temps normal, on aurait déjà pris deux fessées. Là, c'est Noël. Il ne bouge pas. La main sur la joue, il se mordille le petit doigt. Il écoute Maman qui lui parle fort. Maman qui pleure. Maman qui lui fait des reproches à n'en plus finir. Il encaisse, le tyran domestique. Il encaisse et ne dit rien. Maman lâche tout, la voix pleine de sanglots. Ce qu'elle ne lui a jamais dit, tant il est colérique habituellement, elle lui balance ce soir à toute volée. Elle cogne, et fort, protégée par ses larmes.
Je me suis arrêté de glisser. Mon petit frère a encore éteint la lumière, puis, se rendant compte que je ne l'avais pas rejoint sous le sapin, il est venu vers moi. Il essaie de comprendre ce qui se passe, du haut de ses trois ans. J'écoute la dispute à sens unique. J'ai une grosse boule dans l'estomac. Je voudrais que ça s'arrête. Moi qui soutient toujours silencieusement Maman quand elle se fait disputer méchamment par mon père, je voudrais qu'elle arrête, pour une fois qu'elle a pris l'ascendant. Je voudrais qu'elle se taise, maintenant qu'il a pris son paquet. Je voudrais qu'on passe à table, qu'on mange le boudin blanc et les patates sautées... Et qu'on se gave de crottes en chocolat... Mais Maman ne s'arrête plus. Il lui en a tant fait, elle veut tout lui rendre ce soir. Mon souvenir s'arrête là : je ne me souviens même plus si on est passé à table.
.................
L'homme eut soudain un cri de colère. Il se mit à répéter «Ça ne pouvait pas atteindre demain, hein ? Ça ne pouvait pas atteindre, demain, non ?». Il jeta de toutes ses forces son bouquet de bruyère sur la pierre gelée. Les sanglots le prirent et il tomba à genoux dans la neige. «Ça ne pouvait pas attendre demain...». Sa voix s'étrangla : «Ça... Ça...». Puis une lueur passa dans ses yeux. Il se releva, brossa ses genoux, remit le bouquet en ordre et le redéposa sur la tombe, en écartant bien la neige du revers de la main. Sa voix redevint plus douce : «Enfin, vous avez fait ce que vous avez pu.. Je sais, c'était pas facile, la vie, Maman. Oui, Papa, tu nous aimais tous quand même. Même Maman, tu l'aimais... Je le sais... Et puis je l'ai eu, mon Meccano». Puis il s'essuya les yeux avec ses gants de cuir, remonta le col de son manteau et repartit vers sa voiture en faisant crisser la neige épaisse sous ses pas.
Aquarelle : Patrick Doessant
Rédigé à 16:19 dans Les histoires d'Onc' Thierry | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé...
(Paul Verlaine - Fêtes galantes - 1869)
Oublions cette poésie superbe mais déprimante. Partons en balade au Luxembourg un matin de décembre. Suivez le guide, mettez vos gants et votre écharpe. Cliquez sur les images, si vous voulez les voir en grand.
Tai Chi solitaire et glacé. Je ne sais pas si ça réchauffe.
Ruches solitaires et glacées. Les abeilles bougent très doucement, elles ont viré les mâles, bouches inutiles, et attendent tranquillement le retour du printemps.
Kaki solitaire et glacé. Les fruits sont presque bons. Encore quelques jours de mûrissement au soleil froid de décembre.
Mendes solitaire et glacé. Il a bien pensé à mettre son écharpe, lui. C'est bien. Salut, l'ami Pierrot.
Restes de discussion solitaires et glacées. Ça devait être chaleureux quand même.
Joggueur solitaire et réchauffé. Quand on court, on est vite en sueur, à la différence du tai chi. Seuls ceux qui courent vraiment peuvent comprendre ça.
Sainte-Beuve solitaire et glacé. Critique féroce et écrivain oublié, détesté de Victor Hugo, il se tapait sa femme, qui se vengeait ainsi des innombrables maîtresses du poète. Il habitait rue du Montparnasse, à deux pas.
Les feuilles mortes se ramassent au tracto-pelle. Non, pas Prévert, on a dit Verlaine...
Kiosque solitaire et glacé. C'est bête, ces bâtiments quand ils ne servent à rien. On se croirait sur une plage en hiver.
Fin de balade, vue sur le Sénat. Solitaire et glacé.
Rédigé à 09:33 dans Histoires insolites | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)
La session de rentrée de l'atelier d'écriture arrive à son terme. 6 textes seulement. Une petite participation, évidemment. Je fais un peu mon mea culpa : le sujet était inspirant mais difficile. Beaucoup m'ont promis des textes qui ne sont pas venus, ils étaient enthousiastes, mais la réalisation s'est avérée bien plus difficile. L'humour et la mise en situation ne sont pas simples, en effet. On m'a promis de m'envoyer d'autres contributions. Aussi, je vous propose de laisser ce sujet ouvert et de prendre vos autres contributions au fil de l'eau quand elles viendront. Et je vous donne le sujet de la nouvelle session (voir plus bas dans cette note).
Voici les textes publiés ce mois-ci.
Prince charmant des temps modernes - Kristelle Kesteloot
Blondeur et des cadences - Marie-Luce
Cocktail est pris - Laure Mezarigue
La couveuse - Corinne Dias
Le grand mariage - Isabelle
Téléphone maison - Corinne Dias
Merci aux participants !
Je vous propose par ailleurs un autre sujet pour la prochaine session, plus simple : imaginer la suite de cette histoire. Vous lisez la note dans le lien ci-contre, et vous racontez l'origine de cette fresque. Je me suis promené l'autre fois à Dives-sur-Mer et j'ai vu une fresque sur une maison, fresque qui me parait étrange (et pas très belle, disons-le). Je n'ai aucune idée de sa provenance et de sa signification. C'est un mystère pour moi. Donc il faut que vous inventiez l'histoire expliquant la présence de cette peinture murale. Laissez libre cours à votre imagination. Vous avez jusqu'à la fin de l'année.
Rédigé à 23:25 dans Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (0) | TrackBack (0)