Donc, Denis Olivennes est sur Twitter (son profil est là). Il a dit d'abord qu'il y était, dans son premier message. Normal. Puis il a répondu au tombereau de messages aigres-doux de l'internetosphère par un "Merci à tous pour cet accueil chaleureux". Il faut dire qu'il les avait bien cherchés, en écrivant le rapport à Christine Albanel qui a suscité la loi Hadopi. Et aussi l'inénarrable bouquin La Gratuité, c'est le vol : quand le piratage tue la culture. Proudhon, réveille-toi ! Ils ne font rien qu'à copier tes maximes !
Tout de suite après son arrivée, Denis Olivennes a commencé l'autopromo d'Europe 1, samedi 29 janvier à 10h23 exactement :
@Olivennes : «Demain, premier débat de la campagne entre Mélenchon et Valls sur #Europe1 à 10h... ça promet !»
Il y a des interviews tous les jours, sur Europe. Ça va promettre à chaque fois ? Bientôt, il nous dira «Enorme !» et peut-être même «Lol», «WTF», ou même «NSFW», tiens, dans un moment de folie. En attendant, le lendemain, dimanche 30 janvier, toujours à 10h23 (véridique), il a tweeté une nouvelle qui a relayé les événements égyptiens à leur juste place d'algarade entre noctambules éméchés sur la plage de Charm-el-Cheikh :
@Olivennes : «Dans le studio d' #Europe1 : Mélenchon photgraphie Elkabbach et Valls photgraphie Mélenchon...» [sic]
Pas de temps à perdre, en effet, vu les courbes d'audiences qui plongent. De l'info, Coco ! Du choc ! Du sang à la Une ! Du sabre au clair ! Mélenchon photographie Elkabbach ! L'info de folie ! Le scoop qui découpe ! L'exclu qui tue ! Encore tout tremblant, j'ai regardé une autre courbe, exponentielle celle-là, celle de ses followers (près de 1000 en 3 jours, chapeau l'artiste...). J'ai comparé à ce qu'il publiait en contrepartie (voir l'échantillon plus haut). C'était terrifiant...
Je m'en suis gaussé... Du coup, Emery Doligé s'est ému de mes sarcasmes. Comme je lui répondais que c'était pour motiver Olivennes, il m'a fait remarquer que c'était un peu bizarre de motiver les gens en les accueillant avec défiance. Ce n'est pas complètement faux. Je voulais m'en expliquer, à ma manière, un peu rude. Et puis j'ai déjà fait le coup de m'adresser sans détour à Frédéric Mitterrand. Et la nouvelle de l'arrivée d'Olivennes sur Twitter est quand même un poil en dessous du combat de Frédo contre Céline... Alors, je me suis dit, restons calme et soyons pédagogue. Ça tombe bien, j'ai été instit, dans le temps.
Denis Olivennes, asseyez-vous et prenez un crayon. Si, si...!
D'abord, Twitter, il faut s'y mettre soi-même. On ne sous-traite pas, on y passe un peu de temps. On se renseigne. On regarde ce que font les autres. On demande aux amis déjà inscrits. Et ces amis (si on en a, bien sûr...), vous diront qu'on s'efforce de suivre d'autres gens que le ban et l'arrière-ban d'Europe 1 et des journalistes à plus de 95% (vérifiez, c'est ici...). A ce rythme-là, ça va finir en dégénérescence endogamique. Tant qu'à faire, on évite de recopier son carnet d'adresses sur Twitter. Parce qu'avec un peu de chance, on peut faire quelques rencontres “randomly”, comme disent les Anglo-Saxons, qui sont parfois de sacrés loustics.
Surtout, sur Twitter, on publie du vrai contenu. Notez-bien, Denis Olivennes. C'est comme à la radio, vous voyez ? Si vous passiez des sujets comme ça, ce serait l'hémophilie chez les auditeurs. Je dis ça parce que c'est déjà l'hémorragie. Désolé, mais «Dans le studio d' #Europe1 : Mélenchon photgraphie Elkabbach et Valls photgraphie Mélenchon...», ce n'est pas du contenu, même mon lapin nain n'en voudra pas pour se faire les dents. Et pourtant Dieu sait qu'il n'est pas difficile. En plus, il manque deux fois un "o", mais bon, ça arrive aux meilleurs. Même moi... Nous n'y sommes pas, dans le studio d'Europe 1, figurez-vous. Vous, c'est bon, vous avez la carte backstage et on vous sert un café. Moi, si je dis que je veux “photgraphier” Mélenchon, le vigile de l'entrée d'Europe 1 va me secouer comme un prunier atteint du Parkinson. Et me taper dessus avec un dico, parce qu'il manque un "o", alors que c'est votre faute... Donc, vous le happy few, quand vous assistez à un événement d'une telle importance, sans vous commander, faites-nous une photo avec votre portable et postez-la AVEC votre commentaire. Et pas juste votre commentaire.
L'exemple à ne pas suivre, ce sont les hommes politiques. A deux-trois exceptions près (Duflot, Hamon, Tardy), une petite minorité à peine active passe son temps à tweeter son agenda (j'inaugure ceci, j'ai fait telle proposition de loi, j'ai serré la paluche à Machin...). Pour ça, il y a le service de presse, ce n'est donc pas la peine de nous encombrer la bande avec. Alors, par pitié, pas de «En route vers le studio de i-télé», encore moins de «La voiture d'Obama vient de se garer rue François 1er». A part si c'est sur les livraisons, je ne vois pas en quoi ça devrait nous faire lever la tête. Donc, veillez à ne pas tomber dans le travers du name-dropping navrant ou du néant tweeté. Parce que c'est justement ce que vous reprochez à Internet : l'égout sans les couleurs.
Petite parenthèse, je ne sais pas qui vous a dit de mettre un hashtag #Europe1, mais c'est une vraie connerie. Vous nommerez le responsable Community Manager de la station et vous lui retirez sa voiture de fonction, ça lui fera les pieds. Notez la phrase que je vais dire, c'est important, et soulignez en rouge : «Ce qui est important, ce sont les sujets». Je doute fort que les gens sur Twitter recherchent des infos sur une radio qui diffuse un débat. Sauf si l'actualité concerne expressément Europe 1. Par exemple, on mettrait un hashtag #Europe 1 si on annonçait que Demorand ou Fogiel quittaient Europe 1. C'est un exemple, je dis n'importe quoi...
Et puis Twitter est là pour susciter des... des... con... conversations, merci. Eh bien, il y a du boulot... Une conversation, c'est pour échanger. Donc j'espère que vous allez répondre autre chose que «Merci à tous pour votre accueil chaleureux» à ceux qui vont vous rentrer dans le lard à propos de vos écrits et paroles sur l'internet. Vous pouvez vous indigner, vous mettre en colère, vous en amuser, voire (et c'est encore mieux) parodier votre fameux "tout-à-l'égout de la démocratie" pour vous l'approprier et mettre les ricaneurs de votre côté, bref discuter. Mais surtout pas le coup de la statue dédaigneuse ou de la forteresse assiégée. Les ricaneurs, justement, vont les bombarder d'œufs pourris. Que répondre à un certain Hadopi (les fins lettrés qui ont pondu la loi n'ont pas pensé à réserver ce profil. Bravo !) qui vous dit "Coucou grand-père \o/" ? Un peu d'imagination, que diable. Moi, par exemple, je répondrais «T'es pas couché, toi, encore ?» ou «Pour tes dix ans, Hado, tu pourras choisir ce que tu veux à la Fnac. Il me reste des bons cadeaux...»
Apprenez aussi à jouer avec vos atouts. Vous avez quelques soutiens. Bompard vous a salué d'un jovial "Welcome Denis" très sincère. On sent qu'il a une envie folle que vous réussissiez, ça fait plaisir, cette émulation fraternelle. En même temps, il faudra arrêter votre jeu de chaises musicales, les amis, ça va finir par se voir. Et puis, il faut considérer le bon côté des choses : vous n'avez pas que des vipères à vos trousses. Vous avez même des candidates chaleureuses. Comme la bien nommée Sillyconne, que j'ai découvert sur votre time-line, et qui se propose de rejoindre votre staff. Elle a fait pareil avec d'autres diffuseurs, donc c'est pas hyper-franc, méfiez-vous. En dehors de postuler à tout va, Sillyconne habite Narbonne. Ne cherchez pas la contrepèterie. J'ai essayé, j'ai trouvé juste "Sillyconne abonne Narbite"... C'est drôle mais ça ne veut rien dire. Moi, je peux me permettre de dire des âneries. Mais vous, Denis, mon grand, vous êtes bien au-dessus de tout ça.
Autre atout, quand on s'appelle Denis Olivennes, les followers accourent. C'est l'avantage, pour moi ausssi, parce que je n'ai pas à vous expliquer comment il faut faire pour en récupérer. Un internaute s'en amuse, d'ailleurs :
@eglemas : J'ai mis 2 ans et demi à atteindre 100 followers, @Olivennes met 7 heures pour en avoir + 600... ;)
La prime au people, en quelque sorte. C'est désespérant... Sur Wikio, la semaine dernière, la note de blog la plus lue annonçait que Justin Bieber serait présent aux NRJ Music Awards. Quand on se fatigue à écrire de vrais articles avec des vrais morceaux de fruits dedans, on rame avec quelques dizaines ou centaines de visiteurs par jour. Pourquoi se fatiguer ? Paulo Coelho est suivi par 1,2 millions de followers. Le 29 janvier, ils ont eu droit à un twitpic de la vue de la fenêtre de l'hôtel il séjournait, à Davos... Eh bien 6728 personnes l'ont regardée, la vue de la fenêtre... C'est toujours mieux que quand il publie des maximes extraites de son livre :
La vie est comme le sexe: si vous voulez une fin heureuse, ne vous précipitez pas (in Aleph).
Et grenouilles d'applaudir...
Mais vous, Denis Olivennes, vous ne vous abaisserez pas à de telles vilenies. Vous êtes d'une autre trempe. Ne me décevez pas. Vous êtes un battant, vous êtes de la race des seigneurs, de ceux qui dorment sous la yourte après avoir chassé la gazelle de Mongolie (j'en ai chié pour trouver une bestiole qui se chasse dans ce coin paumé) toute la sainte journée. Vous êtes un Normalien, donc sachant écrire normalement, normalement... Alors, pour la semaine prochaine, vous me ferez cinq tweets intelligents, avec un vrai sens, une info qui tue, et de la valeur ajoutée. Et aussi deux twitcpics, tiens, pour vous apprendre la vie. Je ramasse les copies dans une semaine. Sortez en silence. Et refermez la fenêtre de Sillyconne : ça fait courant d'air avec celles de Guy Birenbaum.
Illustrations : Wikipedia, UGC, DR.