Non mais c'est ça, l'idée de génie ! Ça ne sert à rien de dénoncer les frasques de nos gouvernants. On perd notre temps. Ils ne comprennent pas pourquoi on leur reproche de monter dans un jet privé pour rejoindre leur lieu de vacances, ou de récupérer les dons d'une vieille dame à la mémoire qui flanche. Proposons-leur une formation dédiée, du coaching par des pros, patients et désintéressés. Comme cette formation publiée récemment sur Facebook, avec une invitation à participer à un "stage de formation professionnelle - Démissionner avec panache". Mais oui, bon sang, c'est de ça dont ils ont besoin. Un ministre, ça se coache ou ça ne démissionne pas.
Avec cette formation, les ministres, on les prendrait par la main pour les emmener vers demain : la démission qui claque sa chatte, celle qui fait taire les ricaneurs professionnels, qui renvoie à la niche les twittos compulsifs. Les objectifs de cette formation évoquée plus haut sont très clairs :
- Transmettre [aux participants] une méthode d'analyse de la gravité de leur manquement aux responsabilités
- Permettre aux stagiaires de déterminer à quel moment il est convenable de quitter un poste
- Leur donner les outils pour démissionner dans les meilleures conditions
Quand on pense au malheureux Eric Woerth qui s'est traîné des mois avec la meute à ses trousses... La boule d'angoisse dans l'estomac. La peur au ventre. Le calvaire solitaire. Lui qui est parti en loucedé en novembre 2010. Eh bien, maintenant qu'il n'est plus ministre, il pète la forme ! Là, il aurait été pris en main, coaché par un expert, au millimètre. Ça aurait été un autre homme, ça aurait eu une autre gueule. Il aurait claqué sa dém', le Woerthounet. Et en plein conseil des Ministres, encore, ses petits poings tambourinant fort-fort sur la grande table du Conseil, devant les collègues médusés.
Ou même il aurait envoyé chier tout le monde un dimanche aux courses sur l'hippodrome de Compiègne, devant les caméras de France 3. Sa déclaration faite, il serait parti comme un prince, la cravate défaite, le col de chemise ouvert, les chaussures à la main, mal rasé. Mais libre, respirant l'air à pleins poumons, le vent lui fouettant le visage, avec un travelling de fin sur les 57 hectares de forêt domaniale -cédés à vil prix- où il irait se perdre pour mieux se retrouver. Genre j'assume à fond, je me retire parce que je suis incompris. Je prends du champ. J'écris un livre sur ma blessure secrète, ma solitude de déconneur de fond, les dégâts sur ma famille, mais aussi sur ma capacité à rebondir, à aller chercher l'énergie dans les tréfonds de ma vésicule.
Et s'il n'arrivait pas à l'écrire, on le mettrait en contact avec PPDA pour qu'il lui trouve un nègre. Un seul. Parce que c'est quand il y en trop qu'on a des problèmes. Et il reviendrait dans un an pour faire la promo du bouquin, toutes les télés, Drucker et tutti quanti. Il raconterait des histoires croustillantes à On n'est pas couché, histoire de faire éclater Eric Zemmour. Et là, paf, on s'incline, on vient le chercher. On lui propose de prendre la direction de l'Epad, de diriger Europe 1. On parle de lui comme futur premier Ministre de combat ! On soupçonnerait même une idylle avec Estelle Hallyday qu'il démentirait mollement. Ça aurait une autre gueule que de partir la queue basse à l'occasion du remaniement et reprendre son siège député de la 4e circonscription de l'Oise, avec les socialos qui ricanent dans son dos à la buvette de l'Assemblée !
On pourrait même anticiper et éviter la cata : quand la crise est là, c'est quasiment mort. Comme avec Michèle Alliot-Marie. Vous êtes marrants, mettez-vous à sa place, aussi : vous partez passer le nouvel An en Tunisie, vous arrivez à l'aéroport de Carthage tout chiffonné, trois heures passés avec des gens qui puent des pieds et des gamins qui ont chialé tout le long du chemin. Et il va encore falloir se fader les contrôles d'identité à n'en plus finir, les fonctionnaires lambins aux mains moites et aux pieds poites, les coups de tampon dégoûtants sur votre passeport tout propre, l'attente des bagages au tourniquet avec des dizaines de mains graisseuses qui tripotent votre valise Vuitton pour voir si, des fois, ça ne serait pas la leur... Alors quand une escorte vient vous chercher directement sur le tarmac et vous emporte loin des pue-la-sueur en berline climatisée, comment voulez-vous résister ? On a hâte de se retrouver à Tabarka, les pieds dans l'eau...
C'est là qu'on interviendrait. Je dis "on". Enfin ceux qui voudraient bien apporter bénévolement leur aide éthique au char de l'Etat et à ses représentants déboussolés. Nous, les donneurs de leçons experts en communication de crise gouvernementale. On aurait un numéro vert d'urgence, ou même un compte sur Skype, que notre amie aurait inscrit au stylo dans un coin de la préface de son guide du Routard.
- «Allo ? Coachéthique ? Bon, là, je suis à Carthage, je viens d'arriver. On me propose de prendre une escorte pour aller à mon hôtel. Et demain, Aziz Miled nous emmène en jet privé à Tabarka. Ça me tente bien, Patrick est ravi : on est cuit, on a besoin de vacances»
- «Politiquement, c'est pas très malin en ce moment... »
- «On va quand même pas aller à Tabarka à deux sur le bourricot d'Aziz ?»
- «Faites comme vous voulez. Mais payez le picotin sur vos propres deniers. Un ministre doit payer ses vacances.»
Je suis sûr que MAM aurait chouiné, mais qu'elle aurait fini par prendre les bonnes décisions. Et qu'elle ne le regretterait pas aujourd'hui... Bon, voilà, l'idée est lancée. Amis ministres, quand vous avez un doute, quand vous sentez que la situation vous échappe, et dès à présent si vous planifiez de partir en vacances, appelez-nous ou contactez-nous discrètement en message direct (DM) sur twitter. On vous trouvera à la seconde un expert qui vous dira ce qu'il faut faire et ne pas faire. Ça vous coûtera un peu d'argent, mais les branquignols surpayés que vous employez actuellement connaissent l'éthique comme moi le projet de loi sur la dépendance. Faites confiance aux experts du web 2.0, avant. Sinon, on s'occupera de vous après, faites-nous confiance.
Illustrations : Wikipedia