Dès Châtelet-Les Halles, j'ai senti le choc, un souffle barbare... Envie de parodier Nougaro et son Nougayork... Les quais sont envahis (ce qui est normal dans le RER) par des jeunes filles et des jeunes hommes costumés en super-héros, chaperons rouges façon manga, Sonic et Naruto. Ce qui l'est nettement moins. Pas de doute, on va tous en convoi vers Japan Expo. J'accompagne ma fille elle-même costumée en un personnage dont j'ai oublié le nom (chapeau de paille, haut rouge, jean court, tongs et une cicatrice peinte sur le visage).
Arrivé au Parc des Expositions de Villepinte, on se rend compte que si Carnaval a disparu en France, le besoin de se déguiser est toujours aussi vivace. Il faut dire qu'au-delà de l'envie de rendre hommage à son personnage de manga, dessin animé ou autre jeu vidéo favoris, il y avait un concours de cosplay (mot-valise pour costumer et playing, désignant la pratique qui consiste à jouer le rôle d'un personnage, dixit Wikipedia). J'ai d'ailleurs appris, en lisant cette fiche, que ce genre de concours ne récompense que les participants qui créent leurs costumes eux-mêmes. Il serait plus simple d'en un costume tout prêt, mais difficile dans ce cas d'exprimer une quelconque passion. D'ailleurs la participation aux concours est interdite à ceux qui ont acheté leur costume, même en partie. Ce n'est pas simplement l'habit qui fait le moine shaolin, d'ailleurs, mais les mimiques, le port, la démarche, les gags favoris. Et d'une convention à l'autre, on s'efforce de changer de personnage.
J'ai donc vu beaucoup de personnages sortis de Pokémon, One Piece, Zelda, professeur Layton, j'en passe tellement j'en connaissais peu. J'ai croisé des samouraïs katana (sabre) au côté et claquettes de bois aux pieds. Mario et Luigi m'ont dit du pouce levé que tout allait super-bien. Des GI Joe en tenue complète déambulaient au point qu'on aurait dit une patrouille Vigipirate, la désinvolture en plus. Des Morts en grand uniforme se sont prêtées de bonne grâce à mes séances photos. On sait la difficulté qu'il y a à prendre des photos. Ici, au contraire, on est là pour se montrer : les "personnages" prennent la pose de bonne grâce et les visiteurs attendent que l'image soit prise pour vous passer devant… Le monde à l'envers, quoi. Et puis j'ai rencontré des dizaines de jeunes filles à qui il ne manquait que des grands yeux ronds pour ressembler en tout point aux héroïnes de mangas qu'elles adorent. J'ai suivi un Dark Vador emprêtré dans sa cape au portillon du RER, en duo avec un canardman éclatant. Tout cela était très bon enfant.
Sous-culture japonaise envahissante ? Oubli des repères ? Violence des dessins animés japonais ? Images produites au rabais ? Je me suis souvenu de toutes ces critiques. J'ai vu la foule des visiteurs (173000 cette année, une première édition de la Japan Expo Sud au Parc Chanot de Marseille en février 2011). Le jour où la France fera rêver des centaines de milliers d'enfants avec autant d'univers différents, plongeant dans les racines et réinventant sans cesse de nouveaux territoires de fiction, on pourra se moquer. Je dis ça, je dis rien... Pour l'instant, contentons-nous d'admirer le phénomène. Et de dire chapeau bas.
