Donc, si on résume, Julian Assange est accusé de violences sexuelles telles qu'elles justifient des poursuites par un procureur suédois, pas pour la qualification de viol, mais pour “sexe par surprise”, un délit passible en Suède d'une amende de 546 € (5000 couronnes suédoises).
Le déclenchement des poursuites a produit les effets que l'on sait : arrestation d'Assange en Angleterre, son placement en résidence surveillée avec bracelet électronique, sa fuite avec demande d'asile politique à l'ambassade d'Equateur à Londres. Et un déploiement de forces autour de l'ambassade qui risque de coûter un argent idiot au contribuable anglais.
Selon les rapports de police, une des plaignantes, Anna Ardin, a déclaré que, le 14 août 2010, il n'aurait pas voulu stopper un rapport après la rupture d'un préservatif lors d'un rapport sexuel consenti. Selon l'autre plaignante, Sofia Wilén, il aurait eu avec elle trois jours plus tard un rapport sexuel consenti mais sans préservatif, après une fellation dans un cinéma et un rapport sexuel consenti, la veille, avec préservatif. Dans le dossier, aucune autre preuve que les déclarations des deux femmes.
Et Anna Ardin a organisé le lendemain de la supposée violence sexuelle la conférence dans laquelle parlait Julian Assange. Et la seconde lui a payé son billet de retour. Et Anna Ardin, encore elle, avait posté sur son blog en janvier 2010 «7 façons de se venger légalement d'un amant tricheur». Note que cette imprudente s'est empressée de détruire dès sa plainte déposée, mais qu'un blogueur a pu retrouver (le texte est visible ici).
Tout cela pue la machination anglo-suédoise à plein nez, au service des Etats-Unis. Ces derniers n'ont même plus besoin d'intervenir : ils ont déjà fait passer lourdement le message en menaçant explicitement la Suisse pour qu'elle n'accueille pas Assange. Message passé également auprès des institutions financières comme Post Finance, Master Card, Visa et Paypal, qui avaient décidé de suspendre les paiements à Wikileaks. En toute indépendance, évidemment. Comme les gouvernements suédois et les anglais, quoi...
Les Suédois ? Ils jurent leurs grands dieux qu'Assange aura droit à un procès équitable. Mais ils assurent aussi que l'indépendance de la justice est telle dans ce Paradis légal qu'ils ne peuvent garantir que le fondateur de Wikileaks ne sera pas extradé aux Etats-Unis. Sauf s'ils risquent la peine de mort. Ah bon ? Dès qu'Assange aura un pied à Stockholm, les Etats-Unis feront une demande d'extradition en bonne et due forme, en biffant la mention inutile «Peine de mort» et en cochant la case «Prison à perpétuité». Et l'Australien pourra se torcher à vie dans sa cellule américaine avec les proclamations outragées du Ministre des Affaires Etrangères suédois.
Et les Anglais ? «Il est important de garder en tête que cela ne concerne pas les activités de M. Assange avec WikiLeaks, ou l'attitude des Etats-Unis. M. Assange est recherché par la justice suédoise», explique doctement William Hague, le Ministre des Affaires étrangères anglais. Ouais, ouais… Que les Anglais -et les Suédois- se mettent d'un seul coup à déclencher de tels moyens diplomatico-judiciaires pour un auteur présumé de violences sexuelles facturées 546 €, c'est malheureusement une première dont on ne voit pas du tout comment elle pourrait être motivée par ces seuls faits.
Car, comme le rappelle opportunément la féministe américaine Naomi Wolf dans cet article du Huffington Post, ça fait des années que les Anglais et les Suédois ne lèvent pas le plus petit doigt pour poursuivre des centaines d'auteurs de viols et de violences sexuelles avérées, encore présents sur leur sol ou ayant fui à l'étranger : «Le viol est utilisé [dans cette affaire] comme une feuille de vigne pour couvrir une collusion quasi-mafieuse mondiale destinée à faire taire la dissidence». On ne lui fait pas dire.
Mais il n'y a pas que les feuilles de vigne qui attirent la colère. Car que penser des feuilles de choux comme Le Monde, The Guardian, The New York Times, Der Spiegel et El Pais, qui ont publié des sélections de câbles Wikileaks payées rubis sur l'ongle à Assange et consorts ? Et qui en ont tiré de confortables tirages. Ils n'ont pas été de simples diffuseurs d'articles ou de dépêches. Ils ont été acteurs de la tempête Wikileaks, qui a révélé au monde les combines douteuses et les crapuleries sanglantes de la guerre en Irak, notamment. Comme cette vidéo hallucinante d'un équipage d'hélicoptère US massacrant consciencieusement 12 civils, dont deux employés de Reuters, flinguant froidement les sauveteurs qui accourent et blessant deux enfants, pour faire bon poids. Un temps marginalisés et obligés de composer, ces journaux ont vite repris la main. Et ils ont même contribué à répandre des vilénies pathétiques discréditant Assange. Le New York Times assure ainsi que ce dernier ne tirait pas la chasse d'eau quand il résidait chez son collègue de Wikileaks !
En dehors de ces imbécillités, et du service minimum sur les événements de l'ambassade d'Equateur, le silence actuel de ces cinq quotidiens sur ce qui se joue à Londres est assourdissant. Ils sont en vacances, les éditorialistes ? Ou bien déjà occupés à s'indigner bruyamment de la condamnation des Pussy Riot ?