«J'aurais voulu être un artiste
Pour pouvoir inventer ma vie
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe …»
C'est fou comme ces belles paroles de Balavoine ont toujours trouvé écho en moi… Oui, il est bien vrai que la plupart du temps «dans la vie, on fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut»… Ce qui est bel et bien mon cas. Car j'aurais tellement aimé être peintre, couvrir d'ombres et de lumière des dizaines de toiles, faire glisser mon pinceau dans une féerie de lignes et de courbes, m'imaginer en Turner, Monet, Van Gogh!...
Je me vois partir de bon matin en pleine nature, mon chevalet, ma chaise pliante et ma besace sous le bras, le nez au vent, à la recherche de l'endroit idéal qui saura m'inspirer. Je foule la fraîcheur de la rosée à mes pieds, les feuilles crissent sous mes pas, une brise légère caresse mes cheveux, le silence de l'aube s'emplit du chant printanier des passereaux. Je m’imprègne de cet univers de paix et de sérénité, dans une douce harmonie avec moi-même.
Au hasard des bois et des prairies, un paysage enchanteur s’offre soudain à mon œil d’artiste: un ciel lumineux, à peine troublé par quelques bouquets de nuages cotonneux, une palette de verts qui va du vert tendre au vert sombre et dense du cresson, et, là, sur la droite, une paisible mare aux canards, bordée d'un saule pleureur qui laisse bercer ses lianes au gré de la brise, complète à la perfection ce tableau bucolique et rafraîchissant.
J'installe alors ma toile sur le chevalet, prépare ma palette, à la fois fébrile et ému et, d'un seul coup, une frénésie créative s'empare de moi : je jette sur cette toile vierge et blanche lignes, courbes, couleurs, formes… Mes doigts courent du pinceau au couteau, la palette devient arc-en-ciel, je marie les teintes, j'estompe, j'illumine, je saisis de tout mon être cet instant suspendu dans le temps, et d'un coup de baguette magique, je magnifie cette ambiance pastorale en symphonie sensuelle et colorée.
Mais tout cela n'est hélas qu'un rêve… Car en réalité, c'est devant mon ordinateur que je suis penché, et les seules courbes et lignes que je trace sont celles des histogrammes, des tableaux croisés dynamiques, sur des "slides" (comme je hais ce mot!..) couverts de chiffres, pourcentages et statistiques que je dois présenter demain à la première heure devant un parterre de technocrates cravatés, au cœur aussi froid et acéré qu'un silex.
Monde froid et calculateur où la poésie est morte, où l’art n’a pas sa place, où, lorsqu’on prononce «Monet», on comprend «Monnaie»..., où la seule couleur qui domine est le gris des costumes, où l'uniformité pesante étouffe tout élan dans l'œuf. Monde sans âme où les sentiments n'ont pas leur place, où la frénésie d'activités ne fait que masquer une vie qui s'éteint inexorablement.
Moi qui rêvais d'un monde tellement plus vaste et éclairé, je ne sais qui a distribué les cartes, mais alors que je me voyais dans le rôle du Roi de cœur, je ne suis ni plus ni moins qu'un obscur valet de Pique, à la solde de bien tristes sires ! Le jeu de cartes a été faussé dès le départ, mais si la donne ne m'a pas avantagé, il me reste heureusement pour transcender la morne réalité, la puissance de mes aspirations et le pouvoir de mes rêves.
Tosca
Pour pouvoir inventer ma vie
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe …»
C'est fou comme ces belles paroles de Balavoine ont toujours trouvé écho en moi… Oui, il est bien vrai que la plupart du temps «dans la vie, on fait ce qu'on peut, pas ce qu'on veut»… Ce qui est bel et bien mon cas. Car j'aurais tellement aimé être peintre, couvrir d'ombres et de lumière des dizaines de toiles, faire glisser mon pinceau dans une féerie de lignes et de courbes, m'imaginer en Turner, Monet, Van Gogh!...
Je me vois partir de bon matin en pleine nature, mon chevalet, ma chaise pliante et ma besace sous le bras, le nez au vent, à la recherche de l'endroit idéal qui saura m'inspirer. Je foule la fraîcheur de la rosée à mes pieds, les feuilles crissent sous mes pas, une brise légère caresse mes cheveux, le silence de l'aube s'emplit du chant printanier des passereaux. Je m’imprègne de cet univers de paix et de sérénité, dans une douce harmonie avec moi-même.
Au hasard des bois et des prairies, un paysage enchanteur s’offre soudain à mon œil d’artiste: un ciel lumineux, à peine troublé par quelques bouquets de nuages cotonneux, une palette de verts qui va du vert tendre au vert sombre et dense du cresson, et, là, sur la droite, une paisible mare aux canards, bordée d'un saule pleureur qui laisse bercer ses lianes au gré de la brise, complète à la perfection ce tableau bucolique et rafraîchissant.
J'installe alors ma toile sur le chevalet, prépare ma palette, à la fois fébrile et ému et, d'un seul coup, une frénésie créative s'empare de moi : je jette sur cette toile vierge et blanche lignes, courbes, couleurs, formes… Mes doigts courent du pinceau au couteau, la palette devient arc-en-ciel, je marie les teintes, j'estompe, j'illumine, je saisis de tout mon être cet instant suspendu dans le temps, et d'un coup de baguette magique, je magnifie cette ambiance pastorale en symphonie sensuelle et colorée.
Mais tout cela n'est hélas qu'un rêve… Car en réalité, c'est devant mon ordinateur que je suis penché, et les seules courbes et lignes que je trace sont celles des histogrammes, des tableaux croisés dynamiques, sur des "slides" (comme je hais ce mot!..) couverts de chiffres, pourcentages et statistiques que je dois présenter demain à la première heure devant un parterre de technocrates cravatés, au cœur aussi froid et acéré qu'un silex.
Monde froid et calculateur où la poésie est morte, où l’art n’a pas sa place, où, lorsqu’on prononce «Monet», on comprend «Monnaie»..., où la seule couleur qui domine est le gris des costumes, où l'uniformité pesante étouffe tout élan dans l'œuf. Monde sans âme où les sentiments n'ont pas leur place, où la frénésie d'activités ne fait que masquer une vie qui s'éteint inexorablement.
Moi qui rêvais d'un monde tellement plus vaste et éclairé, je ne sais qui a distribué les cartes, mais alors que je me voyais dans le rôle du Roi de cœur, je ne suis ni plus ni moins qu'un obscur valet de Pique, à la solde de bien tristes sires ! Le jeu de cartes a été faussé dès le départ, mais si la donne ne m'a pas avantagé, il me reste heureusement pour transcender la morne réalité, la puissance de mes aspirations et le pouvoir de mes rêves.
Tosca