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Nous sommes à l'époque des savoirs limités. En contenu et en taille. Deux étudiants américains d'une vingtaine d'année, Alexander Aciman et Emmett Rensin, ont résumé 75 monuments de la littérature mondiale en langage twitter. Le résultat est assez surprenant (je vous laisse juge, lisez-le et résumez votre opinion en 140 signes...). L'ensemble a suscité son petit intérêt médiatique. Ainsi, L'étranger de Camus se résume en plusieurs tweets, dont celui-là : "Maman morte. Sais plus si c'était aujourd'hui ou hier".
Cette façon de résumer un livre à quelques phrases n'est pas nouvelle. Le moins qu'on puisse dire, c'est que certains laborieux s'en contenteraient volontiers (cf Nicolas Sarkozy et la Princesse de Clèves). On peut réduire l'Odyssée à très peu de choses, par exemple...
Telemaque : Le cocu est rentré à l'improviste. Ça a charclé...
C'est tout de suite plus facile à retenir, n'est-ce pas ? Et le Lys dans la vallée ? Autant faire parler l'auteur lui-même :
Balzac : 500 pages en 140 caractères ? Impudent ! Vous voulez ma ruine ?
Pour Les oiseaux se cachent pour mourir, histoire d'un curé qui cède une fois à sa passion et se retrouve vingt ans plus tard avec un fils qui veut devenir prêtre, on aurait le choix des tweets :
Mauvais_Esprit : On devrait appeler ça "Les curés se planquent pour baiser"...
Pape François : Le mariage des prêtres, on ne connaîtra pas ça. Nos enfants, peut-être...
Mais il n'y a pas que la littérature. Imaginez ce qu'auraient dit nos grands hommes et grandes dames qui ont fait l'histoire, s'ils avaient pu disposer de Twitter pour rendre compte de leurs voyages, inventions, exécutions, guerres et autres péripéties. Ainsi notre ami Charles Martel aurait été plus clair sur ses exploits, dont une partie nous échappe encore, 1278 ans après...
Charles_Martel : Les Eskimos qui pillaient Romorantin, on les a arrêtés. Bon, je m'attaque aux Arabes. Quelqu'un sait où ils sont ?
Marco Polo revenant de Chine nous tiendrait au courant de l'actualité des sciences et des techniques de son temps.
Marco_Polo : Ce n'est pas Dame Victoria Silvstedt qui a inventé la poudre, mais les Chinois, au IXe siécle
Kubilaï_Khan : Le silicone, c'est une belle invention. Ça sert aussi pour les canons..
Christophe Colomb nous rendrait compte en deux tweets de son arrivée et de son retour des Amériques.
Christophe_Colomb : Plages superbes, mais infestées de moustiques et de cannibales. Et les Taïnos n'acceptent que la verroterie...
Christophe_Colomb : Finalement on s'est fait fourguer des tas de trucs. J'ai bien fait de partir avec une Caravelle vide en plus.
Gutenberg inventant l'imprimerie aurait sauté sur son portable...
Gutenberg : Avec ça, on va tuer internet.
Le bourreau Sanson, exécuteur des hautes œuvres, aurait prévenu Robert-François Damiens (ci-contre), auteur d'un attentat manqué contre Louis XV, de ce qui l'attendait en place de Grève.
Sanson : Vous serois tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes...
Sanson : Sur les blessures, verserois huile, poix et résine bouillante, cire, plomb et soufre fondus...
Damiens @Sanson : C'est pas fini ?
Sanson : Main seroit brûlée au feu de soufre. Corps écartelé par 4 chevaux, membres et corps consumés, réduits en cendres jetées au vent...
Damiens @Sanson : Eh ben, la journée sera rude. Je dis ça, je dis rien...
Sanson @Damiens : On n'aura jamais le temps de faire tout ça... Je vais abréger, le résultat sera le même.
Louis XIV révoquant l'édit de Nantes, aurait expliqué pourquoi.
Louis_XIV : Remplacez-le par Lady Gaga. Car tel est mon bon plaisir.
Mirabeau repoussant la garde nationale, se serait fait lyrique...
Mirabeau : Nous sommes là par la volonté du peuple. Nous n'en sortirons que si vous coupez le wifi avec vos baïonnettes.
Napoléon à Austerlitz, ça aurait eu de la gueule sur Twitter :
Napoléon @Joséphine : On a pilé les Russes et les Autrichiens. On cherche un bistrot pour fêter ça. C'est nul la Moravie.
Et Napoléon à Waterloo aussi :
Napoléon @Marie_Louise : Ouh la branlée. J'attends Grouchy pour noyer ça au bistrot. Il va m'entendre, celui-là.
Et même Sainte-Hélène, quelle grandeur !
Napoléon @Fouché : Las Cases joue au Uno comme une bite ! Dans 10 min, y a des chiffres et des lettres sur TV5. Je vais me tirer une balle.
Zola dénoncerait l'affaire Dreyfus de façon lapidaire :
Ezola : J'accuse !
Esther_Hazy : t'accuses qui de quoi, mec ? On comprend rien. Tu peux pas écrire plus long ? Ou mettre un lien bit.ly?
Et de Gaulle et le 18 juin, quel roman tweeté !
Charles-de-Gaulle : Le gouvernement français a demandé à l’ennemi à quelles conditions honorables pourrait cesser le combat. Il a déclaré en outre que la lutte
Super_Resistant : Mon général, il faut rester en deça de 140 caractères. Sinon, les Français ne comprendront rien
Charles-de-Gaulle : Personne ne censure De Gaulle ! La France n'est pas seule ! La France n'est pas seule ! La France n'est pas seule ! Elle peut faire bloc ave
Jean_Dumoulin : Si je peux me permettre, évitez de répéter des bouts de phrases... Ça prend de la place...
Charles-de-Gaulle : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
GLeclerc : Oui, voilà, parfait ! Dans le mille, mon général, dans le mille ! Encore qu'on aurait pu éviter une minuscule répétition...
Charles-de-Gaulle : La France a perdu une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre !
Super_Resistant : Il est déchaîné ! Génial. Je le follow et je retweete !
La suite de l'histoire revisitée par Twitter, c'est par ici.
Rédigé à 23:19 dans Histoires insolites, Twitter et Facebook pour les nuls | Lien permanent | Commentaires (7) | TrackBack (0)
C’est une phrase rituelle prononcée dans l’intimité, avec le premier «Bonjour !». Premiers mots lâchés après la nuit, comme on ouvre le frigo, en cherchant une tasse, quand on sirote son premier café. Très important : il faut être en robe de chambre, encore enveloppé par la nuit, pieds nus ou en pantoufles sur le carrelage, sur le parquet. Dans l’air flottent les odeurs du lever : le pain grillé, la confiture de fraises maison, la peau chaude et un peu macérée de l'être aimé après une bonne nuit de sommeil… Là, juste à ce moment précis, il y a de fortes chances qu’on entende ça : «J'ai fait un drôle de rêve...»
C’est bizarre de dire ça. Les rêves sont toujours drôles. Parfois, c’est vrai, certains prennent un aspect effrayant et fascinant. Un abime vertigineux s’est ouvert devant nous, mille fois plus «étrange et pénétrant» que des rêvasseries à la Verlaine. Vous avez plongé tout habillé au cœur d'un film en cinémascope, où tout était intensément clair, où tous vos sens vibraient, vos narines palpitaient, vos yeux s'écarquillaient. J’ai cherché un mot pour qualifier cette sensation. Et j’ai trouvé : «Numineux». Houlà, les choses se compliquent... Les définitions tournent rapidement au charabia lacanien. Si je vous dis que c’est une expérience qui permet de nouer un lien avec le sacré, le divin, le transcendantal... Vous êtes plus avancés, maintenant ? Ou alors je pourrais affirmer que c’est un moment où apparaît une sorte d’illumination, une vision extra-sensorielle accessible à nos sens d’ordinaire si humains… Une porte s’ouvre, et vous apercevez l’autre côté : du nouveau, du lointain, du jamais vu. Je suis place de la gare, à Tours. Le soir. L’été, peut-être. L’été sûrement. Le cadran éclairé de la grosse horloge se détache sur un ciel bleu profond. C’est l’heure bleue, l'heure magique, celle où s'envolent les djinns, quand les aiguilles se rattrapent et se recouvrent. La grande aiguille des minutes bouge d’un cran et s’immobilise en frémissant sur sa consœur préposée aux heures. J’entends jusqu’au bruit des métaux graissés qui frottent l’un contre l’autre, des ressorts huileux qui se détendent. Un souffle de vent brasse la douce chaleur de la nuit… Elle vient, j’ai pris le train, elle m’environne, je rentre à la maison, elle m’accueille en son sein maternel, je suis chez moi.
Et puis c’est un matin d’été, à la fraiche, très tôt, avant la chaleur étouffante des jours de juin. Je remonte l’allée du jardin de la maison de mes parents, je sens les parfums du tilleul et du noisetier où la lumière s’accroche, je reconnais la poussière âcre du chemin où je jouais aux billes. Les buis ont été taillés. L’arrosoir est rempli d’eau et, sur son anse, une araignée a déjà tissé sa toile perlée. Qu’il fait bon ! Le bleu du ciel m'aveugle, les verts sont crus. La rosée sur le gazon mouille le bout de mes chaussures, je respire l’herbe coupée. Les portes et les fenêtres de la maison sont ouvertes pour aérer, les draps sont à la fenêtre de la chambre. On entend les bruits du matin, l’eau qui coule, la vaisselle qui tinte, un bruit de traineau d’aspirateur, un tiroir qu’on ferme, une radio étouffée. Un de ces matins d’avant, comme ceux que je vivais ici, il y a bien longtemps.
Je ne vais pas grimper l’escalier extérieur… Je sais qu’ils sont là. Je veux ménager la surprise, me montrer à l’improviste, surprendre ces scènes familières quand on ne m’attend pas. J’entends ma mère qui s’active, qui parle, enjouée, familière. Je suis gai de revenir, ivre des senteurs, je veux retarder nos retrouvailles encore un moment. Je contourne la maison, me voilà du côté sans soleil à cette heure, l'ombre peignant le crépi en gris-bleu. J’ai un peu froid, tout à coup... Au premier, les fenêtres du salon sont ouvertes. Mon père est là, qui regarde dehors. Je lui lance un «Papa !» joyeux d’enfant prodigue. Il ne répond pas, son regard est perdu. Il est debout, immobile. Son visage de vieil homme n’est pas très bien rasé. Il est vêtu d’une chemise en coton usée, la main dans sa poche, son mouchoir dans son poing serré.
Je monte rejoindre ma mère à l’étage. Je la trouve dans sa chambre vide de tout meuble. Papiers peints déchirés, ouverte à tous les vents, la pièce est un cauchemar hivernal où s'engouffrent des bourrasques glacées. Ma mère attend dans un coin, sombre, solitaire, absente, différente… Je la prends dans mes bras, je pleure, je sens son parfum : «Il est mort, n'est-ce pas ? Viens, Maman, on s’en va… ». Je l’entraîne, elle se tait, elle ne parlera plus.
«J’ai fait un drôle de rêve, cette nuit. Tu veux que je te raconte ?»
Rédigé à 08:26 dans Histoires insolites | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Comme je vous le disais dans cette note précédente, j'ai été retenu dans le jury que Cécile de Quoide9 a constitué pour distinguer deux œuvres littéraires françaises et étrangères que nous avons lues en 2008. Ce qui donne sa chance aussi bien au "Fait du prince", d'Amélie Nothomb, paru et lu par moi cette année-là, qu'à la biographie de Marie Stuart, de Stefan Zweig, que j'ai lu également en 2008, mais qui a été publiée en 1935.
Voici la liste des neuf ouvrages retenus.
9 livres en langue française9 livres en langue étrangère
Anne-Sophie - Une femme à Berlin d'un(e) auteur(e) anonyme
Cécile - De Niro's game de Rawi Hage
Christophe - Petits suicides entre amis de Arto Paasilinna
Cynthia - Soie d'Alessandro Baricco
Daniel - Mort dans l'après-midi d'Ernest Hemingway
Ficelle - Un bonheur parfait de James Salter
Liliba - La peau froide de Albert Sanchez Pinol
Olivier - Millenium people de J.G. Ballard
TdE - La route de Cormack Mac Carthy.
Maintenant, nous avons jusqu'au 15 décembre pour désigner trois livres français et trois livres de langue étrangère. Dans cette short-list, il nous restera une semaine pour désigner le vainqueur dans chaque catégorie. Si c'est Catherine Cusset qui l'emporte, je veux bien aller lui remettre son prix au Grand Vefour. Mais c'est Edgar Poe qui gagne, je me demande bien comment on va lui remettre le prix... N'hésitez pas à donner votre avis de lecteur ou de lectrice, car je n'ai pas lu tous les livres désignés.
Rédigé à 19:26 dans Histoires insolites, Les inclassables | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Voilà, déjà le 20 octobre, la première session de l’Atelier virtuel d’écriture se termine. Le temps de faire un premier bilan, et on peut démarrer la suivante (voir le nouveau thème en bas de cette note)
D’abord, un grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont participé en envoyant un texte. On est toujours inquiet quand on lance une idée qui repose sur la participation des autres, et je dois reconnaître que vous m’avez fait très plaisir, de ce point de vue-là. Vous êtes des gens formidables, vous le saviez, je vous le confirme.
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Le sujet du mois (20 octobre-20 novembre)
Rédigé à 00:00 dans Histoires insolites | Lien permanent | Commentaires (11) | TrackBack (0)
Il faut dire que j'ai une incapacité foncière à classer les choses. Surtout sur ce blog. J'essaie de faire comme tout le monde, mais je n'y parviens pas. Mes classements s'effondrent toujours au dernier moment. Mes thèmes ne vont jamais jusqu'au bout. Mes tentations de taxinomie finissent en eau de boudin. Je m'en suis aperçu à nouveau hier en faisant des photos. Cela a commencé comme ça. J'allais à un rendez-vous et, en passant, je vois deux électriciens qui réparaient des câblages électriques sur le trottoir, rue Etienne Marcel. Je les prends en photo avec mon portable.
Et là, je me dis «Tiens, des bonshommes ! Super idée : si je faisais des photos de bonshommes, là maintenant. C'est un bon thème, ça, les bonshommes. C'est facile à classer, ça, les bonshommes». Ni une, ni deux, je laisse mon portable ouvert et je mitraille tous les bonshommes que je vois. Comme cette peinture avec un bonhomme, à la devanture du restaurant Maceo, rue des Petits-Champs.
«Pile dans le thème», me réjouis-je in petto. Au bout de quelques dizaines de mètres, je vois des bonshommes partout. Comme sur ce feu tricolore emmailloté (qui mériterait d'être exposé au musée du ready-made, soit dit en passant. C'est d'ailleurs ce que je fais : je me dis ça en passant devant...).
Je continue mon chemin, et je tombe, derrière un panneau indicateur, sur ce bonhomme de Léo et Pipo, deux graffeurs qui reproduisent partout des photos anciennes.
Et puis j'arrive à mon rendez-vous, et là, les choses ont commencé à dégénérer. Car dans l'escalier de cet immeuble construit dans les années 1930 (l'Union des sociétés d'Education Physique, au 23 rue de la Sourdière, Paris 1er), j'aperçois un tableau, plutôt dans le genre pompier, et je suis poli.
Je m'approche : des tas de bonshommes. «Génial !», me dis-je en français et en moi-même, car dans ces moments-là, j'ai des dialogues intérieurs extrêmement riches. Des bonshommes à en veux-tu, en voilà ! Je vais me régaler. Je vais faire le classement du plus beau bonhomme de tous les temps. Enfin, c'est ce que vous croyez. Car à ce moment, j'ai commencé à m'intéresser au tableau... Et notamment aux femmes du tableau. On n'est pas de bois...
Tant que j'y étais, j'ai regardé aussi de près les enfants. Je me suis dit que les malheureux avaient dû se fader un spectacle particulièrement pénible, et qu'ils n'avaient même pas eu le choix de faire ça ou de jouer à la DS, ou même de regarder Gulli.
J'ai regardé ensuite le nom du peintre, Georges Scott, un illustrateur spécialisé dans les images militaires, qui avait un talent fou et qui n'a pourtant fait que peindre des bidasses, des galonnés et des vieilles badernes. Et là, je vois les drôles de chaussures des bonshommes. Mon dialogue intérieur s'enrichit d'un sourire jusqu'aux oreilles...
Puis je regarde le fond du tableau, je vois que ça a l'air de se passer aux Tuileries (on aperçoit la Concorde et l'arc de Triomphe au fond).
Et pour finir, je détaille les bonshommes de la tribune officielle. Avec la date, on peut déduire que c'est le président Gaston Doumergue, dit Gastounet, entouré d'autres bonshommes que j'aurais pris le temps d'identifier si mon rendez-vous n'était pas arrivé à ce moment là.
Entre temps, ma thématique de bonshommes, démarrée dans l'enthousiasme, s'est barrée en sucette et s'est terminée par un fiasco déprimant. Je me suis laissé déborder par ma curiosité. Il ne faut pas insister, dans ces cas-là. Ni aller contre sa nature. Comme disait ma grand-mère, les bonshommes, ça va bien cinq minutes. Les classements aussi.
Rédigé à 10:41 dans Histoires insolites, Ma vie est nulle | Lien permanent | Commentaires (2) | TrackBack (0)
Rédigé à 14:25 dans Histoires insolites, Les inclassables, Ma vie est nulle | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
C’est chaud, cette scène. Demi Moore fait monter entre ses doigts, lentement, un boudin de terre posé sur le tour de potier coincé entre les jambes, tandis que son fiancé, le regretté Patrick Swayze, assis derrière elle, la frôle avec ses mains douces et l'embrasse tendrement... Ghost est connu pour cette scène. Le film, sans être un chef d’œuvre, raconte une jolie histoire d’amour qui se rit des frontières de la vie et de la mort, avec une Woopi Goldberg irrésistible en fausse voyante utilisée comme intermédiaire par le fantôme et dépassée par ce qui lui arrive, pourtant une des meilleures situations qui soient dans sa profession.
Le point de vue est très relatif. Si je vous parle des scènes les plus torrides du cinéma, je vais forcément être partial, question sensualité. Car chacun a ses critères. Et honnêtement, je serais incapable de prévoir ce qui excite les uns, les unes et les autres, car c’est forcément différent. Notre libido a ses raisons que la raison de nos contemporains ignore. C’est peut-être le propre de la sexualité de chacun de s’accommoder d’une bonne partie cachée, qui ne peut se révéler et s’épanouir que si elle est dissimulée aux yeux des autres. Bon, si vous me connaissez, vous vous doutez bien que je suis en train de noyer le poisson avec l’eau du bain, car j’ai justement envie de vous parler de scènes torrides que j’ai observées au cinéma (pour celles que j’ai vécues, vous repasserez un peu plus tard, soyez gentils, merci…). Et du coup, je pense qu’un peu d’attente ne messied pas (du verbe messeoir, ne pas convenir) quand il s’agit de traiter un sujet comme celui-là. Et qu’il convient au contraire de faire durer le plaisir, si on veut qu’il s’accroisse en raison inverse de l’effet qui se recule.
D’ailleurs, vous qui être si malins, je vous lance un défi. Je dis que vous serez incapable de lire les histoires qui vont suivre jusqu’au bout, sans appuyer sur le buzzer posé à côté de vous, là, voilà, pour faire stopper la torture…. Je fais un essai pour voir s’il marche bien. Dites un mot, pour voir ? Sexe ? Miiiiiip ! Bon, ça va. Vous êtes prêt(e)s, on y va.
Commençons par un petit échauffement. Vous vous souvenez, je pense, de cette scène à couper le souffle dans Talons aiguilles, d'Almodovar. Victoria Abril essaie d’échapper à son ami travesti en femme. Quand il la saisit, elle s’accroche en hauteur au portant de la penderie, puis elle retombe à califourchon sur les épaules du travelo, son intimité juste à la bonne hauteur de la bouche de Miguel Bosé, heureux homme ! Et alors là…. Holà, c’est chaud, c’est chaud… Miiiiiiippppp ! Vous voyez, c’est dur : même moi, j’ai craqué. Bon, OK, 1-0. Je vais me refaire sur le suivant.
Si on se faisait un petit plaisir asiatique. Sushi et miso érotiques... Je vais vous narrer par le menu (et je suis poli) un passage de l’Empire des sens. Comme disait un copain qui racontait le film à un autre, «quand ils vont se promener, elle ne le tient pas par la main…». Quand je pense que certains sont émus à la vue de la pauvre fellation pratiquée sur Federico Pitzalis par Marutcka Detmers dans le Diable au corps. Mais c’est de la gnognotte, de la petite bière à côté du passage équivalent dans ce chef d’œuvre d’Oshima (dont je rappelle qu’il est inspiré d’un fait réel) et qui va jusqu’à l’éjaculation. Je ne dis pas que c’est mieux parce que ça va jusqu’au bout, je dis que cette scène est incroyablement plus sensuelle. Et celle où quatre geishas initient la cinquième avec un sex-toy en caoutchouc absolument trognon ? Ahaaaa ! On fait moins les malins, là. Ça bipe déjà de tous les côtés, j’en ai mal aux oreilles. Allez, une petite dernière, pour faire tomber les derniers. Quand Eiko Matsuda/Sada Abee nettoie le plancher avec une serpillère, à quatre pattes, qu’elle passe plusieurs fois devant Tatsuya Fuji/Kichizo à toute vitesse, et qu’il l’arrête d’une main bien placée ? Hin hin, là y a plus personne, je le savais. 1 partout, vous êtes des mauvais.
Allez, un petit dernier, pour se départager. Voyons, qu’est-ce que je pourrais vous raconter… Baise-moi ? Non, trop facile. En plus c’est avec cette bourrique de Rocco Siffredi. S’il a probablement joué les scènes hard, on a forcément demandé à Mickaël Vendetta de le doubler pour le reste. Ah mais oui, tiens, à propos de bourrique et d’âne ! Je ne vous dis pas le nom du film. Ça se passe pratiquement qu’avec des moines, qui arrivent au début sur leurs mûles. Donc, déjà… Le jeune héros, joué par Christian Slater, déjà passablement échauffé par la lecture des livres interdits de la bibliothèque du monastère, se fait alpaguer par une jeune fille farouche à la beauté délurée. Enfin l’inverse… Bref, la robe de bure du moinillon tonsuré ne résiste pas longtemps aux assauts enflammés de la sauvageonne. Et comme notre ami ne porte rien en dessous, comme tout moine qui se respecte, il perd sa virginité en moins de temps qu’il n’en faut à Claude Guéant pour démentir qu’il est raciste. Miiiiiiip ! Qui a bipé pour Guéant ?
Rédigé à 00:37 dans Histoires insolites, Les inclassables, Ma vie est nulle | Lien permanent | Commentaires (6) | TrackBack (0)
Rédigé à 21:42 dans C'est trop con, Histoires insolites | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
Ah mais alors là, je suis tombé des nues ! Je la croyais intouchable, distante, marmoréenne... Il y a dix ans, je me suis aperçu, que la statue de la Liberté n’est pas si innocente que ça, avec ses grands airs de sainte-Nitouche du Nouveau Monde. Sa moue dédaigneuse, son port hautain, sa démarche altière, sa torche brandie comme un brandon pour éloigner les loups… Tout ça n’était qu’artifices et dissimulations.
Commençons par le commencement. Et le commencement, c’est Frédéric-Auguste Bartholdi, qui vient au monde le 2 août 1834 à Colmar. La mort prématuré du père envoie la petite famille à Paris. A 21 ans, diplômé des Beaux-Arts, formé à la peinture par Ary Scheffer, Auguste se lance dans sept mois d’aventures sur le Nil, au Yémen, en Abyssinie, exerçant ses talents de photographe. Il s’émerveille devant la statuaire monumentale et en gardera les images marquantes pour la suite.
Le Second Empire a soif d’artistes de sa trempe. Les relations de sa mère, Charlotte Bartholdi, protestante, femme autoritaire, voire oppressante, dans l’entourage de Napoléon III, lui ouvrent les portes de la commande publique. Bartholdi n’a pas le génie d’un Rodin. En revanche, il sait trouver les bons endroits : son lion de Belfort est sculpté dans une falaise, sa statue de Vercingétorix est posée sur le plateau de Gergovie.
En 1865, Édouard Laboulaye pense le premier à offrir une statue aux Etats-Unis pour fêter le centenaire de l’indépendance, le 4 juillet 1876. Le projet réunit deux idées : affirmer la République en France, après la déliquescence du second empire et la menace du retour à la Monarchie. Aux Etats-Unis, ressouder l’union nationale ébranlée par la guerre de Sécession, l’immigration, l’urbanisation et l’industrialisation. Laboulaye en parle à son ami Bartholdi, qui s’enthousiasme aussitôt. Et quand il s’entiche de ce projet, ce n’est pas pour jouer : «Je lutterai pour la liberté, j'en appellerai aux peuples libres. Je tâcherai de glorifier la république là-bas, en attendant que je la retrouve un jour chez nous».
En 1870, les Français cèdent l’Alsace et la Lorraine aux Allemands. Et donc Colmar, un crève-cœur pour Bartholdi. Et comme les Américains ont soutenu les Teutons, son projet de statue de la Liberté en cuivre repoussé a du plomb dans l’aile. Bartholdi ne se décourage pas et part pour les Etats-Unis, en juin 1871. Il identifie l’île de Bedloe (où se trouve aujourd’hui la grande dame), à l’embouchure de l’Hudson, comme l’endroit idéal pour accueillir son œuvre. Il envoie tout de suite une lettre à sa maman pour lui signaler sa découverte et son enthousiasme.
Là-bas, il fait copain-copain avec le Président Ulysses Grant, fréquente des sénateurs américains comme Charles Summer, des industriels comme Richard Butler, des journalistes comme Joseph Pultizer, propriétaire du New York Wold. Discrètement, Bartholdi leur refourgue son projet de statue de “l’Egypte éclairant l’Asie”, à l’entrée du canal de Suez. Si le Khedive Isma’il Pasha l’avait acceptée, il n’y aurait jamais eu de statue dans le port de New York. Il fait fabriquer des petites statues de la Liberté et les offrent à tous ceux qui comptent. C’est un de ses amis, l’ingénieur Gaget, qui s’en occupe. Prononcée à l’anglaise («Vous avez reçu votre Gadget ?»), son nom deviendra synonyme de petite merdouille super drôle, malheureusement vite cassée et qui finit dans la poubelle jaune…
En France, on finance le projet (2 millions de francs de l’époque) par une loterie, des banquets, des coupe-papier, un opéra de Gounod.... En 1878, la tête de la statue est présentée lors de l’Exposition Universelle. Gustave Eiffel, architecte du projet, n’y va pas avec le dos de la cuillère et imagine une structure de 120 tonnes de fer forgé et 300 000 rivets. Le 6 juin 1884, la Liberté domine de ses 46 mètres les bâtiments de la rue de Chazelles. Ne reste plus qu’à la démonter et à l’expédier en colissimo de l’époque : 214 caisses en bois embarquées dans les flancs de l’Isère. Le navire français fait son entrée triomphale dans le port de New York le 3 juillet 1885, escorté par une escadre de 90 navires. Remontée sur place, la statue est inaugurée le 28 octobre 1886, avec dix ans de retard sur le centenaire.
J’en arrive à la statue elle-même. D’abord, qui a servi de modèle ? On est encore réduit aux conjectures, Bartholdi ayant été muet comme un fossile de carpe sur le sujet :
- la mère de Bartholdi, Charlotte.
- Jeanne-Emilie Baheux de Puysieux. Il s’est marié en décembre 1876 avec cette modiste qui s’est rajeunie de 13 ans pour lui plaire et s’est inventée une généalogie aristocratique. Charlotte ne la porte pas dans son cœur. - Isabella Eugenie Boyer (ci-contre), née à Paris en 1841, épouse de l'inventeur milliardaire de la machine à coudre, Isaac Singer (ça vaut un camembert au trivial pursuit),
- une jeune fille juchée sur une barricade et tenant une torche, au lendemain du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte. En 1830, Delacroix a réalisé une “Liberté guidant le peuple”, nettement plus érotique. Personnellement, je préfère…
- Une prostituée, idée assez saugrenue, quand on connaît le peu d’intérêt de Bartholdi pour la chose.
Ensuite, que représente-t-elle ? La liberté éclairant le monde, ça c’est sûr. La tête à l’expression rébarbative (celle de la mère de Bartholdi?) est couronnée d’un diadème et de sept pointes symbolisant les sept mers ou les sept continents de l’ancien monde. Dans son bras gauche, elle serre la déclaration de l’Indépendance des États-Unis. Elle est vêtue à la romaine, d’une tunique, d’une stola, sorte de toge, et d’une palla, étoffe passée par dessus et clipsée sur l’épaule. J’ai connu des sensualités plus ébouriffantes. Mais elle cache bien son jeu... C'est Woody Allen qui m’a montré le chemin. Je l’ai pris au mot. On connaît sa fameuse réplique : «La dernière femme que j’ai pénétrée, c’est la statue de la Liberté !» Et on sait aussi, depuis Clémenceau, que le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier. Je vous laisse donc imaginer la montée du désir et du plaisir que j’ai éprouvée, quand j’ai eu la chance de pouvoir grimper le raidillon de 354 marches qui conduit du hall d’entrée jusqu’à l’intérieur de la tête de Miss Liberty. Là, j’ai atteint les sept pointes, pour moi synonyme de 7e ciel.
Le temps de reprendre mon souffle, j’avais une vue idéale pour détailler ma nouvelle conquête. Son nez parfait de 1,48m. Mais il aurait fallu que j’aie les doigts du colosse de Rhodes pour le caresser doucement. Sa bouche de 91 centimètres qu’il faut effleurer tendrement, si on a la chance de posséder des lèvres à l’avenant. Ou une bonne serpillère, si on veut faire un baiser mouillé. Sans moi : j’ai le vertige. Ses mains de 5 mètres qui vous massent le dos avec tendresse. J’aurais péri étouffé. Son bras droit de 12,8 mètres qui en enlacent une bonne cinquantaine comme moi. Je suis jaloux comme un tigre. Sa torche, pour allumer le désir. Et ses yeux, ses yeux de biche séparés de seulement 76 cm ! D’en bas, je ne les vois pas : je suis myope comme une taupe.
En redescendant, je suis passé vers le centre des délices. A mi-hauteur, voyez... Mais dans le noir, je n’ai rien vu ni rien senti. Ni ça ni ses rivets turgescents. Comme elle porte des sandales (genre du 4500 fillette), j’ai pu voir et même toucher ses mignons petits petons. Elle a le pied grec, soit le 2e orteil plus long que le pouce, particularité partagée par 20 % de la population. Je suis dans les 80 % restants. On n’avait aucun point commun. On s’est quitté sans un regard.
Illustrations : Wikipedia, Harper, National Park Service/USA, Napoleon Sarony
Rédigé à 15:27 dans Histoires insolites, Les histoires d'Onc' Thierry, Les Zinédits de l'été, Moi, ce que j'en dis... | Lien permanent | Commentaires (5) | TrackBack (0)